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2021-01-10 01:14:17 +08:00

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Fanfiction :: FAMILY COMPO: LE STAGIAIRE

Chapter 1 :: L'Homme que je suis

Published: 09-09-09 - Last update: 16-09-09

Comments: Une simple introduction du personnage principal, qui est le seul à date qui est sorti de mon imagination et qui n'appartient pas à Maître Hôjô.

Youre just too good to be true.... Cant take my eyes off you...

Ces deux phrases tirées de la chanson “Cant Take My Eyes Of You”, de Frankie Vallie, résument très bien comment je me suis senti la première fois que je lai vue chez Maître Sora...

Mais tout dabord, je crois que je devrais commencer par me présenter à vous, nest-ce pas? Je mappelle Patrick Decker et je suis Canadien. Je viens dune petite ville nommée Charny, dans la Province de Québec... Il y a quelques années, jétais friand de sports et je mentraînais à tous les jours pour garder la forme et une belle musculature. Javais des chances dêtre repêché par les Canadiens de Montréal, la fameuse équipe qui a gagné plus de Coupe Stanley que toute autres équipes dans la Ligue Nationnale de Hockey...

Jétais soigneux de ma personne, je gardais une chevelure courte, un visage glabre et ma vue était perçante. Je marchais dun pas assuré, le dos bien droit, sans honte ni gêne de ma personne... Javais un caractère jovial, jétais ouvert desprit et jétais toujours prêt à aider mon prochain, qui que fut mon prochain.

Et puis un jour de Novembre, ma vie fut transformée à jamais...

Si Montréal est une ville ou le Hockey est roi, le phénomène des gangs de rues est malheureusement le prince... Deux bandes rivales sétaient déclaré la guerre et sattaquaient à tous moment du jour ou de la nuit, sans prendre compte des conséquences que leur petite guéguerre causait... Vous aurez donc deviné que je fus victime de lune de leurs attaque. En fait, cétait une tentative de meurtre, mais si elle a échoué (parce que le chef de la bande qui était visé a survécu par je ne sais quel miracle), je ny échappai pas. Je me trouvais à proximité lorsque la voiture piègée explosa, envoyant dans tous les sens débris fumants de verre et de métal tordu.

Deux personnes qui nétaient que des passants trouvèrent la mort, mais moi, même si je survécus, jaurais préféré être mort à ce moment-là. Je passai deux semaines dans le coma et lorsque jen sortis, jappris que ma jambe gauche, qui avait reçu un énorme éclat du pare-brise, avait été atrocement mutilée au point que je devrais marcher avec une canne pour le restant de ma vie. Les médecins ont quand même pu la sauver, mais javais compris à ce moment-là que tout espoir de faire une carrière sportive mavait été volé et ce, à perpétuité. Non seulement ma jambe fut-elle abîmée, mon visage également avait été atteint par un éclat de métal. Jen garde une longue cicatrice qui trace une diagonale, partant du haut de mon arcade sourcillière droite et descend sous mon oeil gauche pour se terminer au milieu de ma joue...

Longtemps me suis-je dégoûté à toutes les fois ou je me regardais dans un miroir. Pour cacher ma balâfre, je me suis laissé poussé les cheveux en méfforçant de cacher mon visage avec. Avant cette tragédie, je mhabillais de vêtements colorés et brillants... Suite à ces événements, comme pour porter le deuil de ma carrière sportive, je me suis mis à ne porter que du noir et du blanc... Je nai pas complètement délaissé le Gym, mais jy suis moins assidu...

Durant ma convalescence, je me suis découvert un talent pour le dessin, plus particulièrement pour le style manga japonnais. Ma blessure mayant rendu invalide à tous travaux physique, mon assurance me versant une pension annuelle non négligeable, jai décidé dentreprendre un stage avec un mangaka. Cest à lhôpital que je découvris “Notre Emblême”, par Sora Wakanaé.

Jen suis alors tombé amoureux. Comme un drogué qui attend avec impatience sa prochaine dose, jattendais la prochaine publication, comme si jétais en manque. Dès que jai u accès à un ordinateur, jai fais quelques recherches rapides sur Internet ou jai trouvé le site web de Maître Sora grâce auquel jai pu entrer en contact avec lui. Après un échange via E-mail assez bref, mais explicite, Maître Sora accepta de me prendre sous son aile en tant que stagiaire, pour un an. Il accepta de mhéberger dans sa maison pour la durée de mon stage, mais il insista pour me téléphoner afin de parler de quelques “détails importants” qui devaient à tout prix rester confidentiels. Je lui certifiai que jétais un homme de parole et que jétais même prêt à signer un contrat avec lui.

Quand le coup de téléphone tant attendu eut lieu, Maître Sora prit le temps de mexpliquer quil formait un “couple inversé”... Devant mon incompréhension, il mexpliqua quen fait, il était une femme de naissance, mais quil avait lâme dun homme, et que son épouse, Yukari-san, était un homme de naissance avec le coeur et lâme dune femme. Javoue avoir été surpris, mais je lui certifiai que cette situation ne me gênait absolument pas. Il me parla alors de sa fille, Shion, puis de son neveu Masahiko Yanagiba quil hébergeait suite au décès de son père trois ans auparavant. Il termina en me parlant de ses assistantes, trois travestis et une transsexuelle. Jassurai Maître Sora que je navais aucun problême à travailler avec ces personnes-là et lui expliquai quen fait, cela marrangeait, parce que le genre de femmes qui mattirent sont un peu comme sa femme... Il voulut savoir de quoi javais lair pour quil puisse me reconnaître quand il viendrait me chercher à laéroport.... Cest avec beaucoup de gêne et de honte que je me décrivis... Dun ton appaisant, presque paternel, il massura quil ne prêtait pas attention à lapparence des gens, quil préférait regarder la beauté de leurs âmes...

Quand nous nous quittâmes, javoue que jétais surpris parce que je venais dapprendre... Jamais je naurais cru, en voyant sa photo sur le site, ou en lentendant parler au téléphone, que Maître Sora puisse être en fait une femme... Jétais curieux de voir et dentendre sa femme... De même que leur fille...

Voilà, vous savez qui je suis, ce qui mest arrivé pour que jen vienne à mintéresser au dessin et comment toute cette histoire a commencé. Et surtout, comment jai finalement connu la beauté de lamour, en dépit de mon horrible apparence...

Chapter 2 :: Accueil

Published: 14-09-09 - Last update: 16-09-09

Comments: Patrick Decker arrive au Japon et rencontre certains regards étrange sur son chemin à cause de son apparence un peu particulière. Arrivé chez les Wakanaé, il fera la connaissance de Masahiko et de ses amis... NOTE: j'ai pris la liberté de baptiser Le Directeur du club cinéma "Lee" et voici pourquoi: ce fut seulement dans le but de le rendre plus familier. Je n'ai pas eu à chercher bien loin our trouver ce nom: il porte souvent un chandail avec l'inscription "Lee" sur le ventre... un peu comme s'il faisait sa propore publicité. Bonne lecture!

En principe, mon stage ne devait commencer que la semaine suivante. Cependant, jai décidé de devancer mon départ histoire de macclimater au décallage horaire, ainsi quaux coutûmes de ce pays. La famille Wakanaé ne sattendant pas à me voir arriver aussi tôt, javais là une belle occasion de leur faire une surprise. Force mest davouer quen fait je ny tenais plus dattendre la date officielle de mon départ, de là ma décision de partir plus tôt pour le Japon!

Quand jarrivai à laéroport de Tokyo, je ne portait quun simple jean noir, un tee-shirt blanc et un blouson de cuir également noir. Était-ce simplement mon accoutrement qui attirait le regard des autres passagers, était-ce ma cicatrice, ou était-ce parce que je marchais plus lentement que ces derniers parce que je devais mappuyer sur ma canne? Je lignore, mais les oeillades quon me lançait à la dérobée commençaient à magacer sérieusement.

Alors que jallais chercher mes bagages, qui se résumaient en fait quen un gros sac à dos de voyage contenant quelques vêtements et un portfolio contenant quelques dessins que javais faits avant dentreprendre ce voyage, il me semblait que tous les gens que je croisais sur ma route me regardaient en catimini tout en se parlant à voix basse. Mal à laise, je me hâtai de récupèrer mes bagages et je me dirigeai vers la sortie aussi vite que mes jambes me le permettaient.

Lorsque je mis le pied à lextérieur, la chaleur de ce mois de juillet fit sentir tout le poids de sa lourdeur sur mes épaules. Jhêlai un taxi et donnai au chauffeur ladresse de Maître Sora. Ce dernier me parla en français avec un très fort accent, et jappréciai son effort. Je lui expliquai que je pouvais lui parler en anglais pour lui faciliter la tâche, mais il insista pour me parler dans la langue de Molière, prétextant quil voulait se pratiquer, étant donné quil devait aller en France le mois suivant pour le mariage de son frère. Parvenu à destination, je payai pour la course, puis je descendis de la voiture. Le chauffeur vint maider à sortir mes bagages du coffre arrière de la voiture et me serra la main dans un dernier geste dadieu, puis il sen alla.

Je pris quelques minutes pour regarder cette belle et grande maison qui allait devenir mon foyer dadoption pour lannée qui venait, mon sac à dos et mon portfolio posés à mes pieds. Je fus impressionné de voir sa taille: entourée dun haute clôture, munie dun balcon au premier, les murs peints en blanc et le toit recouvert de tuiles noires, elle avait tout dune maison de rêve. Je levai les yeux vers le ciel et je me départis de mes lunettes fumées pour en admirer le bleu éclatant. Aucun nuage ne paraissait à lhorizon et le soleil dardait de milles rayons brûlants. Combien de temps restai-je planté là? Je lignore, mais un lointain bruit de dispute me tira de ma rêverie.

Japerçus alors un jeune homme au début de la vingtaine qui marchait vers moi, lair très contrarié. Il parlait dun ton colèrique et agitait les mains au-dessus de sa tête. Il était accompagné de deux autres jeunes hommes qui étaient le contraire lun de lautre: le premier était grand et bien bâti, avec les cheveux noirs tombant devant son visage comme des rideaux; le second étant plus petit, arborant une bedaine bien développée et portant une casquette de travers sur sa tête. Ses yeux étaient cachés derrières des lunettes noires aux montures rondes.

-Tu ferais mieux doublier ça, Lee!, disait le jeune homme en colère. Il nest pas question que je réssucite Masami pour la suite du seul et unique film dans lequel elle a joué! Jai déjà donné plus quà mon tour pour elle!!

-Mais Giba, répliqua Lee, le jeune homme à lénorme bedaine, le club ciné na pas connu autant de succès depuis quelle a fait ce film... Il risque de disparaitre si on ne garde pas lintérêt des gens! On a besoin de Masami! Il ny a que toi pour...

-Tu es sourd, ou quoi?!, répliqua Giba et sarrêtant et en se retournant vers Lee. Je te répète que cest hors de question! Ejima naura quà se ficher une robe sur le dos et à faire la fille! Moi, je démissionne!!

Ejima, le jeune homme grand et bien bâti, eut un sursaut et, dun ton badin, il dit:

-Masahiko, tu mas déjà vu habillé en fille quand on a travaillé pour Mr. Tatsumi. Jai lair horrible! Cest toi qui est criant de vérité dans la peau de Masami!

Je ne pus réprimer un sourire... Ainsi donc, je venais de faire la connaissance de Masahiko Yanagiba, le neveu de Maître Sora. Appuyé sur ma canne, je continuai de regarder le spectacle, amusé à lidée de voir ce jeune homme aussi révolté à lidée quon ose lui demander de se déguiser en fille pour un film... Ce quil avait déjà fait auparavant, semblait-il...

-Masami ne ma apporté que des ennuis, tu sauras!!!, répliqua Masahiko avec véhémence. À commencer par Tatsumi, justement! Ça ma pris un sacré bout de temps pour réussir à le convaincre de me foutre la paix définitivement et crois-moi, ça na pas été une mince affaire! En plus de membarrasser devant Yoko, jai du repousser les avance de Akané qui croyait dur comme fer que jétais une vraie fille! Masami porte malheur aux gens, je vous dis!

-Giba..., plaida Lee dune voix suppliante, tu es le seul qui peut sauver le club cinéma de luniversité! Sil-te-plaît! Juste pour ce film, et ensuite, ce sera fini! Cest notre dernière année et je veux la terminer en beauté! Ce sera à toi que je le devrai et à personne dautre!

-Et pour ça, il va falloir que jembrasse encore Ejima, cest ça?!, sexclama Masahiko avec froideur. Pas question! La dernière fois, il a eu lair daimer ça!

-Hé! Quoses-tu insinuer, toi?!, répliqua lautre dun air scandalisé.

Ils avaient continué de se chamailler tout en reprenant leur marche vers moi, sans me remarquer. Ils sarrêtèrent à nouveau à deux ou trois mètres de moi et Masahiko continua, rouge de colère:

-Dis-moi, Lee, quand tu seras dans le show business, vas-tu te limiter à produire des films avec un travesti comme acteur principal? Il va falloir que tu trouves des arguments plus solides quune simple promesse dun succès fulgurant (non assuré je te signale!)!!

-Giba, je ne voulais pas en arriver là, mais comme tu ne me donnes pas le choix... tu te rappelles de cette vidéo quon a fait de toi dans la douche..., répliqua alors Lee en prenant un ton cajôleur. Je ne lai pas encore détruit, au cas ou jen aurais besoin....

-Que?!?!?, hoqueta Masahiko, incrédule.

Affichant un air faussement désolé, le maître chanteur dit:

-Ce serait vraiment dommage si par mégarde, lors dune projection au club, je ferais jouer ce film... Par erreur....

Je vis Masahiko blêmir, tellement que je crus un instant quil allait défaillir. Il chancela sur ses pieds, les bras ballant le long de son corps, les yeux écarquillés dhorreur. Ejima regardait la scène avec amusement, les mains dans les poches de son pantalon, un sourire en coin sur les lèvres. Lee avait croisé ses mains sur son énorme ventre, un air satisfait sur son visage, attendant ce que Masahiko allait dire...

Ny pouvant plus de voir le petit manège de Lee, je me décidai à agir. Je me râclai la gorge bruyamment pour attirer lattention des trois jeunes hommes et je mapprochai deux en mappuyant sur ma canne. Un sourire aux lèvres, je tendis la main vers Masahiko et lui dit:

-Bonjour, Masahiko, tu te souviens de moi?

-Euh... , répondit ce dernier, lair incertain, alors quil me serrait mollement la main.

Il semblait chercher jusquaux tréfonds de sa mémoire un souvenir de moi, quil ne trouverait jamais parce quil navait certainement pas vu ma photo, puis du coin de loeil, je remarquai que Ejima et Lee me regardaient dun air ahuri, lair de se demander dou je pouvais bien débarquer, accoutré comme je létais... Et comme mon visage était à découvert parce que javais attaché mes cheveux en queue de cheval, ils avaient sûrement du remarquer ma cicatrice...

-Cest moi, Patrick Decker, continuai-je. Je suis votre nouveau pensionnaire pour lannée qui vient!

La lumière sembla sallumer à létage supérieur. Il afficha alors un grand sourire et me sera à nouveau la main, un peu plus vigoureusement ce coup-ci, et il dit:

-Mais oui! Biensûr je me souviens de toi! Tu es le Stagiaire dOncle Sora! Tu ne devais arriver que la semaine prochaine, non?

-Cétait le plan dorigine, dis-je, mais disons que je voulais prendre le temps de madapter un train de vie de Tokyo, faire un petit tour pour visiter et surtout, prendre le temps de majuster au décallage horaire!

Pendant tout le temps ou Masahiko et moi parlions, Ejima et Lee navaient cessé de me dévisager, comme sils navaient jamais vu un gars dans mon genre auparavant... Comme à laéroport, je commençais à en être royalement agacé et plus les secondes passaient, plus je sentais monter en moi lenvie de leur peler le sommet du crâne à coups de canne. Je cessai de sourire et, baissant les yeux vers le sol, mappuyant à deux mains sur ma canne, je dis dune voix sombre:

-Masahiko, tu devrais avertir tes copains darrêter de me regarder comme ça. Je sais que jai une tête à faire peur, mais si je perds patience, je te promets quils ne te harcèleront plus jamais pour que tu thabilles en Masami, je le jure devant Dieu!

Lee et Ejima eurent un sursaut, puis ils firent un pas en arrière, comme sils sattendaient à ce que je fasse jaillir de ma canne une épée qui y aurait été dissimulée. Certes, jétais agacé de me faire dévisager, mais je navais aucunement envie de les assassiner.

-Laisse tomber, Patrick, répondit Masahiko dun ton amusé. Le dernier quils ont regardé comme ça, cest Mr. Tatsumi... parce quils en avaient sérieusement peur!

-Il y avait de quoi, bredouilla Ejima en continuant de me regarder, les yeux remplis de crainte. Ce type est un Yakuza!

-Je nen suis pas un, rétorquai-je, alors calmez-vous, je nai nullement lintention de tuer qui que ce soit! Seulement, je sais de quoi jai lair, alors regardez ailleurs!

Tournant délibérément le dos aux deux autres jeunes hommes qui navaient en rien perdu de leur malaise, Masahiko mentraîna vers la maison Wakanaé, une main posée sur mon dos, et Lee protesta dune voix boudeuse:

-Hé Giba! On nen a pas terminé avec cette conversation!

-Moi oui, répondit Masahiko en séloignant de ses deux amis. Salut!

-Alors juste une dernière chose: noublie pas quil y a une réunion du Club Ciné demain après midi à une heure! Tas intérêt à y être, sinon je te promets que tous les membres sauront quel marque de savon tu utilises pour te laver!

Jentendis Masahiko grincer des dents et je jetai un regard par-dessus mon épaule pour voir Lee qui séloignait, la tête basse, les mains derrière son dos. Il était suivi de près par Ejima qui, les mains toujours dans les poches de son pantalon, me lança un regard à la dérobée. Je ne le vis que brièvement, mais il ne me fallut pas beaucoup de temps pour lire dans ses yeux quil ne maimait pas beaucoup... Comme quoi le vieil adage qui dit quon ne peut pas plaire à tout le monde est on ne peut plus vrai.

Je fis mine de me pencher pour attrapper mes bagages, mais Masahiko sen emparra en disant:

-Laisse-moi faire, tu dois être épuisé... et tu dois avoir chaud avec cette chose sur le dos!

Il lorgnait mon blouson de cuir dun air amusé. Je sortis de la poche de mon jean un mouchoir et jépongeai mon front en sueur en disant:

-Quand je me suis embarqué à Montréal, il tombait des cordes et il faisait plutôt froid... Je navais pas envisagé quil ferait aussi chaud! À bien y penser, jaurais peut-être dû me changer dans lavion...

Ricanant, il me conduisit jusquau seuil de la porte dentrée et tandis quil foullait dans les poches de son pantalon pour y trouver ses clés, je lui demandai:

-Au fait, qui cest, cette Masami qui porte autant malheur?

Ses épaules saffaissèrent et il me regarda dun ai gêné en me disant:

-Cest un personnage que jai incarné dans le premier film étudiant auquel jai pris part en tant quacteur... Jai malgré moi un certain talent pour “changer de sexe” à volonté... Et bien souvent, ça se fait CONTRE ma volonté...

Jeus un petit sourire en coin et me voulant rassurant, je dis:

-Javais compris que cétait le sujet de ta conversation avec tes amis...

-Tu as entendu ça? Répondit Masahiko dun air dépité.

-Bordel! Vous parliez si fort tous les trois.... Il maurait fallu être sourd pour ne pas vous entendre! Au moins, grâce à mon intervention, je tai temporairement tiré de ce mauvais pas...

Masahiko étira le cou pour voir ses deux amis qui tournaient le coin de la rue, disparaissant de notre champs de vision, et il dit:

-Tu ne les connais pas encore... Il savent se montrer tres persuasifs quand ils sy mettent... Jai pas fini den entendre parler, tu peux me croire....

Il déverrouilla la porte et nous entrâmes à lintérieur. Dès que je me trouvais dans le vestibule, je sentis lair frais de la maison caresser mon visage et je me sentis instantanément plus léger. Alors quil alla poser mon sac à dos et mon portforlio au pied de lescalier qui menait au deuxième étage, je regardai autour de moi. Tout, du plancher jusquau plafond, était dune propreté immaculée.

Les murs peints en blanc étaient décorés de bouquets de fleurs sèchées qui diffusaient une douce odeur de pot-pourri et le plancher du vestibule était recouvert dun petit tapis moir ou étaient parfaitement allignées plusieurs paires de chaussures. Masahiko menleva mon blouson de sur le dos et il alla le suspendre dans lun des placard dentrée.

-Tu ne vas pas garder cette chose sur le dos à lintérieur! dit-il, lair réprobateur. Si tu veux bien te déchausser, je vais te prêter une paire de pantoufles.

Je massis sur le petit banc près de la porte et jenlevai mes espadrilles. Voyant la porte qui se trouvait sur ma gauche, je demandai:

-Cest la que se trouve ma chambre?

-Non, cette pièce sert de débarras. Ta chambre se trouve au deuxième, juste en face de la mienne. Je te ferai visiter la maison plus tard, si tu le veux bien. Tu mas lair épuisé.

-Javoue que je nai pas dormi durant le vol et que je commence à ressentir un peu de fatigue, dis-je.

-Suis-moi à la cuisine, je vais te donner un petit remontant.

Mappuyant sur ma canne, je me remis debout et je suivis Masahiko le long dun petit couloir dont les murs étaient décorés de photos de la famille Wakanaé et au bout duquel se trouvait la salle à manger. Sur ma droite, une porte donnait accès au salon ou je vis le très invitant canapé en L qui me semblait attrocement comfortable. Je navais pas lhabitude de me tenir debout aussi longtemps et je commencais à avoir sérieusement besoin de poser mes fesses sur quelque chose de comfortable pendant un très long moment.

La salle à manger était séparée de la cuisine par un petit comptoir et il y avait également un accès au salon. Après mavoir invité à masseoir, Masahiko ouvrit le frigo et il me demanda:

-Quest-ce que tu aimerais boire? On a des sodas, du jus de pommes, de la limonade ou si tu veux, on garde une bouteille deau glacée dans le frigo...

-Un verre de limonade serait lidéal, merci, répondis-je en masseyant et en posant ma canne contre le comptoir.

Masahiko alla prendre un verre et le remplit de Limonade, puis il me lapporta. Il vint sasseoir devant moi et après un court silence, il dit:

-Ton voyage sest bien passé au moins?

-Comme un charme, dis-je en souriant. Ça été un peu long, je tavouerais, mais je ne suis pas fâché davoir fait le saut au-dessus de locéan Pacifique. La vue était à couper le souffle.

Masahiko me regardait en souriant et même sil semblait me dévisager, je nen resentis aucun malaise parce quil ne le faisait pas de la même façon que ces gens à laéroport, ou comme ses amis. Je posai mon verre sur la table et je dis:

-Masahiko, tu es sûrement le premier depuis que je suis arrivé qui ne semble pas être dérangé par mon aspect physique.

-Pourquoi le serais-je?, me demanda-t-il, étonné.

-Parce que depuis mon arrivée, je nai pas cessé de me faire dévisager par tous ceux que je croisais sur mon chemin...

-Je naccorde pas vraiment dimportance à lapparence des autres, cest tout, et tu nas pas à me dire pourquoi tu as cet aspect, mon oncle nous a raconté ton histoire.

Je souris. Maître Sora sétait déjà montré très attentionné à mon égard avant même que jeus mis le pied chez lui.

-Tu as dû en baver un coup pour récupèrer après ça..., dit-il.

-Disons que jai découvert quelque chose qui ma donné une nouvelle raison de vivre...

-Une femme?, demanda-t-il avec un petit sourire complice.

Je pris malgré moi une expression sarcastique et je dis, en désignant à la fois ma jambe et la balâfre qui barrait mon visage:

-Il y a certaines choses qui déplaisent aux femmes....

Masahiko parut sincèrement gêné et il dit:

-Je mexcuse, je ne pensais pas...

-Tinquiète, même si je ne cherche pas, ça ne veut pas dire que jai renoncé...

-Alors, cest quoi cette nouvelle raison de vivre?

Jentrepris alors de lui raconter comment javais découvert “Notre Emblême”, le manga dont Maître Sora était lauteur. Je lui parlai également de mon engoument pour le dessin style Manga, comment jai développé mon talent et comment jai eu lidée de venir au Japon pour mon stage. Je lui racontai également quoutre le dessin, javais également un grand intérêt pour la musique et combien jadorais jouer du piano et de la guitare. Embarassé, il me confia quil navait aucun talent pour le dessin, ni même pour la musique... que son seul véritable talent était de se faire passer pour une fille...

-J'ai ça dans le sang, dit-il d'un air résigné.

Quand je lui demandai comment il en était venu à jouer un personnage de fille dans un film étudiant, il me raconta que tout celà était dû à un hasard, alors que Ejima le réprimandait parce quil buvait avec le petit doigt en lair. Lee avait été témoin de la scène et il avait décidé de lui donner un petit rôle de figuration sous les traits dune fille. Quand il avait vu de quoi il avait lair sous les traits de Masami, Lee avait changé les plans originaux pour en faire lactrice principale...

Quand je lui demandai qui était Yoko, Masahiko sembla se rembrunir en me disant que Yoko était son ex-petite amie... Il ne voulut pas s'épancher sur les détails qui ont mené à leur séparation, mais il me dit quelle avait toujours éprouvé des difficultés à accepter le fait quil aie joué le rôle dune fille à lécran. Après une série de maladresses, elle avait trouvé le réconfort dans les bras de quelquun dautre... Elle nen avait jamais vraiment parlé, mais elle croyait que son oncle et sa tante avaient une mauvaise influence sur lui et quils lincitaient à se travestir.

Je souris et je vidai mon verre dun trait. Durant la demie-heure qui suivit, nous parlâmes de beaucoup de choses. Durant la conversation, nous allâmes nous asseoir sur le canapé du salon ou je pus enfin détendre mes jambes. Il me parla des événements qui lavaient amené à venir vivre chez les Wakanaé, comment sa cousine Shion lui il avait fait découvrir que son oncle et sa tante avaient échangés leurs rôles, comment il avait dabord pris la chose (très difficilement), puis comment il avait appris à les accepter comme ils étaient. Il mexpliqua quil avait beaucoup grandi depuis quil avait emménagé chez son oncle et sa tante, quil avait appris à être plus ouvert desprit... et surtout, quil avait trouvé une famille ou il nétait plus seul et ou il pouvait toujours compter sur les soutien des autres. Au cours de cette conversation, le sui confiai que jétais attiré par les femmes dans le genre de sa tante Yukari, chose quil accueillit avec le sourire, en disant que cette dernière était déjà prise (pas de chance pour toi, me dit-il en riant) mais quil y avait quatre assistantes qui travaillaient avec son oncle, que trois dentre elles étaient des travesties et que la quatrième était une transsexuelle, ce que je savais déjà parce que Maître Sora men avait parlé lors de notre échange téléphonique.

Nous fûmes interrompus par le bruit de la porte dentrée quon claqua sans ménagement et nous entendîmes le bruit dun sac à dos quon jetait par terre avec force. La voix dune jeune fille, apparament de très mauvaise humeur, se fit alors entendre:

-Jen ai assez de ce vieil imbécile! Pas étonnant quon le surnomme le Général! Cest pas un restaurant quil dirige, cest un damné camps de concentration!

Je ne pus réprimer un sourire en entendant cette remarque. Une très belle adolescente fit alors son apparition devant la porte du salon. De tout évidence, les vêtements quelle portait constituaient son uniforme de travail: chemise rouge, pantalon noir, tablier blanc et casquette blanche (quelle tenait dans sa main). Ses longs cheveux bruns étaient détachés et tombaient en cascades dans son dos. Elle avait lair de quelquun on avait franchement poussé à bout et lorsquelle entra dans la pièce, elle salua Masahiko. De toute évidence, elle ne mavait pas remarqué, trop occupée quelle était de pester contre son patron. Pendant cinq bonnes minutes, elle expliqua à son cousin comment “Le Général” jugeait quelle nétait pas assez rapide au travail, quelle nétait pas assez souriante avec les clients, quelle pourrait donner le meilleur delle-même...

-Shion, dit Masahiko lorsquil put enfin en placer une, nous ne sommes pas seuls!

-Quoi, de quoi tu parles?, répliqua Shion dun ton excèdé.

Masahiko me désigna du pouce et la jeune fille se tourna vers moi. Lorsquelle me vit, elle eut un sursaut et, lair partagée entre la surprise et leffroi, elle me dévisagea de la tête aux pieds, muette de stupéfaction à lidée quelle aie pu me manquer... Un petit sourire amusé sur les lèvres, Masahiko dit:

-Patrick, je te présente Shion Wakanaé, ma chère et tendre cousine. Shion, je te présente Patrick Decker, notre nouveau pentionnaire.

Chapter 3 :: La famille Wakanaé

Published: 15-09-09 - Last update: 16-09-09

Comments: Ici, Patrick fait la connaissance de la famille Wakanaé. Bonne lecture et merci de vos reviews!

Était-elle simplement incapable de parler, ou était-ce (encore une fois!) mon apparence qui lavait paralysée, je ne puis le dire, mais pendant quelques instants, le seul bruit quon entendit fut le ronronement du moteur du réfrigérateur. Le regard fixé sur moi, le rouge lui monta lentement aux joue et à son expression, je pus deviner quelle cherchait activement quelque chose à dire pour se sortir de cette situation plutôt gênante.

-Pensionnaire?!, finit-elle par dire, perplexe. Déjà un autre? Kaoru vient à peine de retourner vivre avec son père que sa chambre est déjà prise?? Je ne me souviens pas davoir vu un écriteau qui disait “chambre à louer”.

-Shion, Patrick est le nouveau Stagiaire dOncle Sora, répondit Masahiko. Je croyais que tu étais au courant, ajouta-t-il dun air taquin.

La compréhension se peignit alors sur le beau visage de Shion. Elle se secoua la tête dun air embarrassé, puis elle madressa un sourire chaleureux et parfaitement craquant en disant:

-Je mexcuse de ne pas tavoir remarqué avant, dit-elle sur un ton dexcuse, mais je ne mattendais pas à te voir arriver si tôt! Ta chambre nest pas encore prête.

-Kaoru na pas emporté tout son stock?, demanda Masahiko, lair surpris.

-Non, répondit Shion en sasseyant à côté de moi. Il avait tellement de trucs à ramener chez lui que les déménageurs engagés par Mr. Tatsumi nont pas pu tout caser dans leur camion... Il reste encore plusieurs cartons et ils ont dit quils reviendraient les chercher un peu plus tard cette semaine.

-Tout ce dont jai besoin, dis-je en souriant, cest dun lit pour dormir. Rien ne presse.

-On naura quà entreposer le reste des trucs de Kaoru dans la chambre de débarras, dit Masahiko.

À nouveau, je sentis le regard de Shion posé sur moi, comme si elle voulait détailler chaque partie de mon visage. Je devais me faire une raison: mon entourage était habitué à mon apparence peu ordinaire, mais jallais devoir faire montre de patience pour ce qui était des nouveaux gens dont jallais faire la rencontre ici... Jeus un sourire indulgent et je dis, à brûle-pourpoint, alors quelle était un beau milieu dune tirade contre son patron au restaurant:

-Shion, est-ce que mon aspect te dérange?

Je la pris tellement au dépourvu avec ma question quelle eut un mouvement de recul et elle dit, lair mal à laise:

-Non, je... Quest-ce que tu veux dire?, balbutia-t-elle.

-Tu nas pas cessé de me dévisager depuis que tu es arrivée...

Elle se mordit les lèvres et elle dit dun air embarassé:

-Je te demande pardon, Patrick, mais cest plus fort que moi... Comprends-moi bien: je ne cherche pas à te mettre mal à laise, jessaie seulement de voir au-delà de ta cicatrice... Puis-je te demander ce qui test arrivé?

Jhochai la tête et jentrepris de lui résumer ce qui métait arrivé. La réaction quelle eut mamusa: suggèrer dengager Mr. Tatsumi et ses hommes sembla à ses yeux une excellente façon de faire payer veux qui étaient responsables de mon accident...

Elle sexcusa et prit congé, prétextant quelle avait besoin de sortir de son “habit desclave” et de prendre une bonne douche. Alors quelle sortait de la pièce, je ne pus mempêcher de remarquer que Masahiko la regardait avec une certaine affection qui me fit penser quil en pinçait peut-être pour elle... Je décidai de me taire parce quaprès tout, ça ne me regardait pas Après tou, je nétais pas venu au Japon pour jouer les entremetteurs et si quelque chose devait se passer entre eus, autant laisser le temps faire seon oeuvre. Au moment ou jallais demander à Masahiko de me faire visiter le reste de la maison, la porte dentrée souvrir à nouveau et nous entendîmes la voix dune femme dire:

-Cest nous, on est rentrés! Il y a des volontaires pour nous aider à rentrer les courses?

-On est au salon, tante Yukari! Lança Masahiko en se levant. Attends ici, ils vont en faire une tête!, ajouta-t-il à mon intention, me faisant un petit clin doeil dun air complice.

Je pris le parti de me taire et je tendis loreille alors que Masahiko saluait sa tante et son oncle.

-Je ne suis pas seul, il y a quelquun au salon, entendis-je Masahiko dire depuis le vestibule.

-Tiens donc?, dit la voix masculine, mais tout de même douce, dun homme qui ne devait être nul autre que Maître Sora. Tu veux nous dire qui cest, ou tu préfères quon devine? Ajouta-t-il dun ton moqueur.

-Allez voir et vous verrez, je moccupe de rentrer les courses! Répondit Masahiko avant de fermer derrière lui.

-Je me demande qui ça peut bien être..., dit Sora dun ton interrogateur.

-Vas voir, chéri, je moccupe de transporter les courses à la cuisine, répondit Yukari.

Je métais senti assez calme depuis mon arrivé. Jétais certes un peu fébrile, heureux et javais hâte de rencontrer Maître Sora, mais en entendant les pas de ce dernier se rapprocher, javais carrément un embouteillage de papillons dans les tripes! Les mains un peu tremblantes, je pris appui sur ma canne et je me levai. Maître Sora entra dans la pièce et lorsquil maperçut, une expression de surprise mêlée dincrédulité se peignit sur son visage. Jamais on aurait pu croire en le regardant que Sora Wakanaé était en fait une femme: de la tête aux pieds sa personne nétait que masculinité et virilité incarnées. Il devait faire au moins un mètre quatre-vingt-cinq, moi qui ne fait quun mètre quarante-cinq! Ses cheveux noirs étaient attachés en queue de cheval et quelques mèches rebelles retombaient sur son front. Il portait une chemise blanche et un pantalon noir.

Jignore quelle expression jaffichais à ce moment-là. Jespèrais juste ne pas avoir lair dun parfait imbécile. Je nosais parler le premier, incertain de ce qui sortirait de ma bouche: quelque chose de stupide, quelque chose dintelligent ou quelque chose dautre...

Puis un grand sourire se traça sur ses lèvres et il vint vers moi à grands pas, la main tendue, et il dit:

-Patrick! Ça alors! Tu parles dune surprise!!

-Maître S-Sora je suis très heureux d-de vous rencontrer enfin!, marmonnai-je, trop nerveux pour articuler normalement.

Maître Sora métreignit solidement et il dit dans un ricannement:

-Oublie les “Maître Sora”, appelle-moi juste Sora! Pas de manières entre nous!

Se tournant vers la cuisine, il lança à ladresse de sa femme:

-Yukari! Tu ne devineras jamais qui est là! Viens vite!

-Jarrive! Jarrive!, répondit cette dernière dun ton empressé.

Quand elle entra à son tour dans la pièce et quelle maperçut, Yukari afficha le même air de surprise que son mari et elle vint vers moi. Jamais on aurait pu croire que sous ses vêtements elle était un homme. Elle était un peu plus petite que son mari, mais un peu plus grande que moi. Jestima quelle devait faire un mètre cinquante-cinq et je la trouvai resplendissante dans sa longue robe noire décorée de fleurs blanches. Je mattendis à ce quelle me serre la main en guise de bienvenue, mais elle métreignit doucement dans ses bras et déposa un petit baiser sur ma joue... Ma joue mutilée... Tant de gentillesse firent monter quelques larmes discrètes à mes yeux et une chaleur réchauffa mon coeur. Aucune femme ne mavait embrassé depuis mon accident...

-Bienvenue dans notre demeure, Patrick, dit-elle de sa voix douce.

-Nous ne tattendions pas avant la semaine prochaine, dit Sora en sasseyant sur le canapé, mais cest vraiment une très belle coïncidence!

-Une coïncidence?, dis-je en masseyant à mon tour. Je ne comprends pas...

Alors que Yukari retournait à la cuisine pour soccuper des courses, Sora mexpliqua que son équipe dassistantes et lui-même avaient terminé la prochaine parution de “Notre Emblême” ce matin-là et quils allaient faire une petite célébration ce soir-là, comme il était de coutûme pour eux.

-Tu vas venir avec nous, Patrick, dit-il dun ton autoritaire. Jinsiste, je ne prendrai pas un non comme réponse!

-Chéri, il a peut-être envie de se coucher un peu, dit Yukari depuis la cuisine. Après tout il a fait un vol de dix-huit heures en avion, il est sûrement fatigué...

-Je suis fatigué, cest vrai, dis-je en souriant, mais je ne veux pas rater une occasion comme celle-ci de participer à une célébration. Jaccepte linvitation avec plaisir!

-Puis-je te demander pourquoi tu es arrivé plus tôt que prévu?, demanda Sora, le sourire toujours aux lèvres. À moins que je me suis trompé en prenant les dates en note...

-Il est vrai que je devais arriver la semaine prochaine, mais jai décidé de partir une semaine plus tôt pour avoir le temps de majuster au décallage horaire et me familiariser avec les coutûmes du pays.

-Ahhh! Mais cest très gentil et respectueux de ta part, répondit Sora.

La porte souvrit à nouveau et Masahiko dit dune voix haletante:

-Bon sang! Mais vous avez rapporté le magasin au complet, ma parole!

-Je vais taider, répondit Sora en ricannant. Ou est Shion?

-Elle est rentrée de son travail et elle est allée prendre une douche, répondit Masahiko en déposant les sacs demplettes par terre.

Comme toute la famille se trouvait à la cuisine et même si ça me demanda un gros effort, je me relevai et jallai les rejoindre. Masahiko me tira une chaise et il alla aider son oncle et sa tante qui rangeaient les courses. Yukari se tourna vers moi et me demanda:

-Alors, ce vol, il sest bien passé?

-Oui, très bien, répondis-je. Le film était ennuyeux et je navais rien amené pour lire, alors jai dû faire la causette avec un Espagnol qui ne parlait pas un mot de français et savait à peine parler anglais. Des heures et des heures de plaisir!

Tous ricannèrent et je poursuivis:

-On ma fait visiter le cockpit et le pilote ma bien fait rire quand il ma dit que javais une tête à jouer dans les plus grands films dHollywood.

Masahiko me regarda dun air perplexe. Avait-il deviné que jétais sarcastique quand javais dit que le pilote mavait fait rire? En fait, javais eu la très forte envie de me servir de sa tête comme punching bag, mais je métais retenu, histoire de ne pas passer pour un terroriste, avec la tête que jai... Sora et Yukari semblaient également avoir deviné que javais été sarcastique dans mes propos car ils ne dirent rien, mais échangèrent un regard plein de signification: pas de blagues sur lapparence du stagiaire!

-Masahiko ta fait visiter le reste de la maison?, me demanda Sora.

-Non, répondis-je. Javais lair épuisé selon lui, alors il a voulu que je reprenne mon souffle.

-Tu avais sérieusement lair de quelquun qui avait besoin de sasseoir un peu, répondit Masahiko. Si tes dattaque, je vais te faire visiter.

-Non, laisse-moi men occuper, dit Sora en me faisant signe de le suivre. Jen profiterai pour le présenter à mes assistantes.

Je me levai à nouveau (il me sembla que je fis cet exercice un peu trop souvent à mon goût ce jour-là!) et je suivis Sora. Parvenus au pied de lescalier, il désigna mon sac à dos et mon portfolio en me demandant:

-Cest à toi?

-Oui, mais attention, le sac est très lourd...

-Cest pas un probleme pour moi! Répondit-il avec assurance.

Cest aisément quil prit mon sac à dos dans une main et mon portfolio dans lautre et quil me conduisit au second étage de la maison. Nous débouchâmes sur un long couloir qui sétirait sur notre droite. À notre gauche, une petite porte donnait sur un petit salon qui faisait le lien entre les toilettes dun côté et le studio de dessin de Sora. En prenant soin de marcher plus lentement à cause de ma démarche claudiquante Sora me dit que la première porte sur notre droite souvrait sur sa chambre à coucher à lui et Yukari. Juste à côté, il y avait la chambre de Masahiko et devant celle-ci, il y avait la mienne. Lescalier qui se trouvait au bout du couloir donnait sur la chambre à coucher de Shion qui se trouvait au troisième.

Cest à cette étage que se trouvait également la salle de documentation, mais on ne pouvait y avoir accès que par une échelle qui se trouvait dans le studio de dessin. Sora ouvrit la porte de ma chambre à coucher et il my fit entrer le premier. Il déposa mes bagages à côté de la porte et je pris le temps de regarder autout de moi: juste à côté de la porte, il y avait un grand placard à portes coulissantes et, contre le mur opposé, sous lune des deux fenêtres, se trouvait un grand lit. À part une table de chevet et une commode, il ny avait aucun autre meuble. Plusieurs boîtes de carton étaient éparpillées un peu partout sur le plancher en bois franc et les murs blancs étaient encore décorés de posters de vedettes rock.

Sora alla ouvrir les fenêtres pour aérer la pièce et il me demanda, un sourire aux lèvres:

-Ça te plaît?

-Biensûr! Répondis-je rayonnant de bonheur. Ma propre chambre à coucher nest pas aussi grande! Mon appartement au complet pourrait tenir dans cette chambre à coucher!

-Alors sens-toi libre de larranger comme il te conviendra! Je vais demander à Shion et à Masahiko de te débarasser des affaires de Kaoru et demain, Yukari viendra faire un peu de ménage.

-Je peux men charger moi-même, assurai-je un peu mal à laise de donner plus de travail à cette dernière.

-Pas du tout! Tu es notre invité, il nest pas question que tu lèves le petit doigt ici!, rétorqua Sora dun ton sans réplique.

Jallai masseoir sur le lit, question de tester son niveau de confort, et je lui demandai:

-Ça fait deux fois que jentends parler de Kaoru... Qui est-ce, si je puis me permettre?

-Kaoru, dit Sora en sasseyant à mes côtés, est le garçon de Mr. Tatsumi, un ami de la famille.

Jeus un mouvement de recul. Il avait dit un ami de la famille?? Je me souvins alors que Ejima avait très clairement mentionné que ce Tatsumi était un Yakuza! Remarquant mon désarroi, Sora en devina la cause et il dit:

-Mr. Tatsumi nest pas un Yakuza comme les autres. Il peut se montrer très bien élevé et très gentleman quand la situation le demande. Nous avons su gagner le respect mutuel lun de lautre et ce, malgré Kaoru... Quand nous avons fait la connaissance de ce dernier, il était en train de traverser une une période de crise identitaire.

-Il était confu au sujet de son identité sexuelle?

-Non, il savait quil était un homme, mais il a le même “handicap” que moi, disons...

Je ne mis pas longtemps pour comprendre: Kaoru était une fille désireuse dêtre un garçon... Et cétait lenfant de Tatsumi, qui avait eu le coup de foudre pour Masami, qui nétait en fait nul autre que Masahiko...

Je ne pus réprimer un petit sourire et je dis:

-Je ne peux mempêcher de penser que beaucoup de monde pourrait en perdre leur latin en essayant de comprendre une telle situation!

-Pour certaines personnes, cette situation est difficile à comprendre et encore plus difficile à accepter...

-Mr. Tatsumi a eu du mal à accepter le choix de sa fille... ou plutôt de son garçon?

-Non, ce nest pas vraiment ça... Cest plutôt Kaoru qui avait du mal à vivre avec son père... Nous nous somme portés volontaires pour essayer de les racommoder. Ça na pas été facile, mais nous avons finalement réussi... Et la semaine dernière, Kaoru a décidé de tenter le coup et daller vivre chez son père. Jamais je navais vu Tatsumi aussi heureux.

-Il vient souvent ici? Demandai-je.

-De temps en temps, il vient rendre visite à la famille. Il est très reconnaissant pour ce que nous avons fait pour lui et son enfant. Tu le rencontreras très certainement au cours de ton séjour ici. Tu verras, il peut être effrayant au premier abord, mais il est très sympatique...

-Un type comme moi, quoi!, dis-je dans un ricannement.

-Je ne comprends pas la portée de tes propos...

Je lui racontai brièvement les regards que javais croisés dabord dans lavion, puis à laéroport et ensuite avec Ejima et Lee. Je passai sous silence le fait que Shion mavait également dévisagé pour ne pas lui attirer des ennuis et soulignai plutôt que Masahiko et elle avaient été les seuls qui ne mavaient pas déshabillé du regard.

-Eh bien tu nas rien à craindre de mes assistantes, je leur ai parlé de toi. Je leur ai décrit ton apparence et ta condition physique. Elles ont lhabitude de se faire remarquer ou quelles aillent et de subir les moqueries des gens... Ce sont les dernières personnes au monde qui se moqueront de toi, je puis te lassurer.

-Merci de mavoir montré autant de considération avant même que je narrive dans votre maison, dis-je en inclinant la tête en signe de reconnaissance, touché par tant de gentillesse.

Sora me donna une solide tape dans le dos et il se leva en disant:

-Viens, il est temps que je te présente à mes très estimées assistantes. Elles doivent être prêtes à aller célébrer la nouvelle parution!

Chapter 4 :: Et Cupidon fit mouche!

Published: 17-09-09 - Last update: 17-09-09

Comments: Patrick rencontre finalement les charmantes assistantes de Maître Sora... et sera particulièrement envoûté par l'une d'entre elles... mais est-ce que ce sera réciproque?

En dépit des paroles réconfortantes prononcées par Sora, je ne pouvais mempêcher de ressentir une certaine appréhension à lidée de rencontrer ses assistantes, même si cette rencontre promettait dêtre des plus intéressantes. Au fait, pourquoi étais-je si nerveux de les rencontrer? Comme Maître Sora me lavait assuré, ces personnes-là avaient lhabitude dêtre jugées à cause de ce quelles étaient, alors je navais aucune crainte à avoir! Jaurais toutefois aimé savoir de quoi elles avaient lair, pour que je ne fusse pas surpris si jamais certaines dentre elles avaient une apparence plutôt masculine!

Sora me conduisit jusquau bout du couloir et il ouvrit la porte devant nous. Il mexpliqua que lendroit ou nous nous trouvions servait de mini-vestibule; sur notre gauche, il y avait une porte qui souvrait sur une petite salle de bain, alors que la porte sur notre droite donnait accès au studio de dessin. Comme le reste de la maison, la petite pièce ou nous nous trouvions était immaculée, peinte en blanc et le plancher était recouvert dune moquette noire.

Comme je faisais mine de retirer lélastique qui tenait mes cheveux attachés, Maître Sora madressa un regard de reproche et me demanda, une main sur la poignée de la porte du studio:

-Je peux savoir ce que tu fabriques?

-Euh... Jallais...

-Cacher ton visage?, dit-il dun ton de reproche. Patrick, ici, tu nas pas à avoir honte de ce que tu as lair! Cest aux autres dapprendre à voir au-delà de tes marques! Tout ce que tu as à faire, cest de te montrer tel que tu es!

Je sentis une chaleur envahir mon visage: à coup sûr je devais avoir le visage en feu. Je reserrai lélastique de mes cheveux et me forçai à sourire. Sora posa une main sur mon épaule et me sourit dun air encourageant. Là-dessus, il tourna la poignée et ouvrit la porte. Nous pénétrâmes à lintérieur dune grande pièce carrée brillament éclairée. Le bureau de Maître Sora se trouvait à notre gauche, devant une grande porte patio décorée de rideaux blancs. Au centre de la pièce, quatre pupitres avaient été collés les uns contre les autres, formant une vaste table carrée, et sur notre droite, une échelle menait à la salle de documentation. Derrière les pupitres des assistantes, il y avait une porte fermée; Maître Sora mexpliqua que cétait la chambre à coucher des assistantes ou elles devaient être en train de se préparer pour leur célébration. Derrière léchelle qui menait à la salle de documentation, il y avait un placard dont la porte était ouverte et à lintérieur duquel nous provenait des bruits étouffés, comme si quelquun était en train de fouiller dans des boîtes.

-Hé, oh! Il y a quelquun?, lança Maître Sora vers le placard.

-Il y a moi!

Le personne qui venait de répondre avait une voix enjouée, mais vraiment étrange: on y sentait une certaine féminité, mais elle faussait (comme si Luciano Pavarotti avait essayé dimiter Lara Fabian) et on pouvait facilement deviner que la personne à qui cette voix appartenait nétait pas très féminine...

-Kazuko, tu peux venir ici une minute, jaimerais te présenter quelquun!

-Jarrive!, répondit joyeusement Kazuko en sortant du placard.

Jeus malgré moi un sursaut lorsque je la vis: Kazuko devait faire dans les deux mètres, sans exagérer. La musculature de son corps et les traits carrés de son visage ne laissaient aucun doute sur son véritable sexe et que dadopter une attitude féminine devait être un effort de tous les instants! Elle portait une courte perruque noire et était vêtue dune robe rouge, courte et sans manches qui découvrait des épaules larges et des bras musclés. Elle affichait un large sourire et venait vers nous dun pas lent.

-Bon après-midi, patron!, dit-elle. Qui est donc ce jeune homme?

-Kazu, laisse-moi te présenter Patrick Decker. Cest le stagiaire que jai accepté de prendre pour un an. Patrick, voici Kazuko Niigata, lune de mes charmante assistantes.

-Enchantée de te rencontrer, Patrick!, répondit Kazuko en me serra la main chaleureusement.

Je pris le temps de regarder ses mains, justement. La mienne semblait disparaître complètement dans les siennes. On aurait été tentés de croire que de si grosses mains pouvaient assommer un taureau ou étouffer un boeuf, mais la poignée de main quelle me donna fut empreinte de douceur et de délicatesse, tout à lopposé de son apparence.

-Enchanté, répondis-je, un peu gêné. Jespère que nous allons bien nous entendre.

-Tu verras quici, tout le monde aime tout le monde, répondit Kazuko dans un ricannement.

-Parlant de tout le monde, dit Sora, ou sont les autres?

-Elles nont pas encore fini de se préparer, Patron.

-Ahh ces femmes!, répondit Maître Sora dans un soupir. Il faut toujours quelles compétitionnent pour être la plus jolie!

Je ne pus réprimer un ricannement quand jentendis quelquun répliquer, derrière la porte:

-Nous ne nous faisons pas la compétition, patron! Nous voulons seulement vous faire honneur!

Cette voix était plus féminine que celle de Kazuko, mais on y devinait quelques accents de masculinité. Quelques secondes plus tard, deux femmes sortirent de la chambre des assistantes. La première que Sora me présenta était plus petite que Kazuko, mais tout de même masculine dans les traits de son visage et de par son physique. Elle portait un jean bleu très serré et un bustier noir qui ne laissait pas grand place à limagination quand à la taille de sa poitrine...

-Patrick, voici Susumu Yokota. Susumu, je te présente Patrick Decker, notre stagiaire.

-Enchantée, Patrick, répondit cette dernière avec un grand sourire, membrassant sur la joue droite.

-Très heureux de te rencontrer également... Pardonne-moi ma curiosité, mais tu ne serais pas celle qui est parti aux États-Unis pendant un an pour y subir une opération de changement de sexe?

-Exactement!, répondit Susumu avec enthousiasme. Je suis une femme de la tête aux pieds!

-Je te félicite davoir eu le courage dentreprendre un tel changement!, dis-je.

-Merci, répondit-elle dun air timide, mais cest quelque chose que je devais faire, sinon je devenais complètement marteau!

Maître Sora désigna la seconde femme. Cette dernière était tout à lopposé de Kazuko et de Susumu: alors que ces dernières étaient encore masculines en dépit des efforts quelles avaient faits pour parraître plus féminines, celle-ci était, à lexemple de Yukari, la féminité incarnée. Ses cheveux bruns-clairs tombaient derrière son dos et sur ses épaules et ses petits yeux noirs étaient pétillants despièglerie. Elle portait une longue robe bleu-ciel à manches longues et ses petites lèvres rouges sétirèrent en un sourire accueillant lorsquelle me fit la collade et quelle membrassa à son tour.

-Je mappelle Hiromi Nakamura et je suis très heureuse de faire ta connaissance, dit-elle dune voix douce, à peine masculine.

-Très heureux également, répondis-je, un grand sourire aux lèvres.

-Tu verras quon samuse ferme ici, même quand on travail aussi durement quon vient de le faire!, dit-elle dun air moqueur.

-Hiromi, ou est Makoto?, demanda Maître Sora. On part dans une demie-heure.

-Elle arrive dans un instant, elle finit de faire sa manucure, répondit Susumu en sasseyant à son pupitre.

Jen profitai pour regarder autour de moi afin de détailler un peu plus les murs qui mentouraient. Décidement, Maître Sora aimait la couleur blanche! Les murs étaient immaculés et décorés des couvertures grand format des publications de “Notre Emblême”. Pendant que Kazuko étaient retournée fouiller dans le placard, Sora et Susumu discutaient de lendroit ou nous allions nous rendre pour leur petite célébration et Hiromi regardait dehors dun air rêveur. La porte de la chambre des assistantes souvrir et jentendis à cet instant la plus harmonieuse et la plus belle des voix quil me fut donné dentendre:

-Me voilà! Me voilà! Je suis prête à faire la fête!

Je me retournai et en lapercevant, ce fut comme si je venais de recevoir un coup de poing sur la gueule. Devant moi se tenait la plus belle femme quil meut été de voir de toute ma vie. Toute petite, toute menue, elle portait un débardeur blanc sous un chemisier rose sans manches noué au-dessus de sa taille, dun jean noir moulant et chaussée descarpins rouges. Ses cheveux noirs étaient mi-longs et elle portait une paire de lunettes à montures rouges carrées. Tout autour de moi cessa soudain dexister: je ne voyais plus quelle. Il me sembla que si je la quittais des yeux, ne serait-ce quun seul instant, elle disparaîtrait pour toujours et je me refusai de vivre pareil drame. Incapable de dire quoi que ce soit, la bouche entrouverte, je ne pus détacher mes yeux de cette jeune femme à cause de qui mon coeur sétait mis à courir un sprint.

Elle sétait figée devant moi, elle-même incapable de bouger ou de dire quoi que ce soit, alors quelle était en train dattacher lune de ses boucles doreilles. Évidemment mon apparence la troublait. Ça ne pouvait être que ça et rien dautre. Jamais un tel ange de beauté, de délicatesse et de raffinement ne pouvait ressentir à mon égard autre chose que dégoût répulsion!

-Patrick, voici Makoto Yamazaki, entendis-je à peine dire Maître Sora, dune voix lointaine.

Pas de réaction, ni de moi, ni de la belle jeune fille. Maître Sora apparut devant moi, lair amusé, et il fit claquer des doigts devant mes yeux en disant:

-Ça va? Quelque chose cloche?

-Hein?, répondis-je dune voix trainante qui était à des kilomètres de la mienne.

Comment avoir lair dun parfait imbécile? Faites comme moi: ayez lair hébèté et répondez aux questions quon vous pose dun air stupide... Vous verrez, ça marche, si vous voulez avoir lair dun crétin anobli!

Maître Sora sourit et dit dun air plus insistant:

-Je tai demandé si ça allait?

-Ezzzee... Oui?, répondis-je.

Quelque part, jentendis quelquun pouffer de rire, ce qui me secoua un peu et me sortit de ma torpeur. Je vis Susumu et Hiromi qui cachaient leur fou-rire derrière leurs mains, sefforçant de regarder ailleurs. Kazuko avait cessé de fouiller dans le placard et me regardait dun air interrogateur.

Je regardai à nouveau Maître Sora et je bredouillai:

-Ç-ça v-va, juste un peu de f-fatigue, j-je pense...

Je reportai mon regard vers la jeune fille qui navait cessé de me regarder et Maître Sora dit, en se râclant la gorge:

-Patrick, voici Makoto Yamazaki. Makoto, je te présente Patrick Decker, le stagiaire qui passera une année en notre compagnie...

Makoto... Il me sembla alors quaucun autre nom ne pouvait être aussi beau que celui-ci; quil fusse masculin ou féminin ne métait daucune importance. Je retrouvai par miracle lusage de mes jambes et prenant solidement appui sur ma canne, je mavançai lentement vers Makoto qui ne me quittait pas des yeux. Décidément, ces yeux noirs étaient plus envoûtants que le pendule dun hypnotiseur. Dun geste hésitant, elle me tendit la main et je la pris dans la mienne. Plutôt que de me contenter de la serrer, je me penchai en avant et je lui fis un baise-main. Quelle douceur! Était-ce vraiment la main dun homme que je venais dembrasser?? Quelle importance?

-J-je s-suis enchanté d-de te rencontrer..., dis-je en bégayant lamentablement.

-Je suis très heureuse de te rencontrer aussi, Patrick, répondit-elle de sa voix douce. Jespère que tu te plairas en notre compagnie...

Les battements de mon coeur redoublèrent dintensité lorsquelle madressa le plus beau et le plus angélique des sourires et je sentis mes genoux défaillir. Prononcé par elle, mon nom nétait plus aussi commun tout dun coup. Je mappuyai plus solidement sur ma canne et Maître Sora tira une chaise afin que je my assoie. Makoto et moi continuions de nous contempler mutuellement, tandis que les autres nous regardaient dun air amusé. Je tenais toujours dans la mienne la main de Makoto (il me semblait impensable que je la lui rendre!) et elle continuait de me sourire. Maître Sora me donna une solide tape dans le dos et il dit:

-Bon je vois que le courant passe avec mes assistantes, et spécialement avec celle dont tu tiens toujours la main, mais nous, on a quelque chose à célébrer et le reste de la famille va se joindre à nous... À moins que tu ne veuilles rester ici, auquel cas tu devras rendre à Makoto sa main, ma femme est prête à te tenir compagnie...

Comme si elle était devenue subitement brûlante, je lâchai la main de Makoto et dit:

-Non, je veux vous accompagner, mais dabord, si vous me le permettez, jaimerais bien aller à la salle de bain...

-Tu connais le chemin, dit Maître Sora avec un sourire entendu.

-Merci, dis-je en me relevant avec peine.

Mes satanés genoux étaient flageollants et mes bras étaient aussi lourds que du plomb. Je mefforçai cependant de marcher dun pas normal vers la porte et Makoto se précipita au-devant de moi pour mouvrir. Nous échangeâmes à nouveau un regard bref, accompagné dun sourire (craquant venant delle, sans doûte crispé venant de moi) et je sortis. Je me précipitai à lintérieur de la salle de bain et my enfermai.

Je laissai tomber ma canne sur le linoléum et je maccrochai aux rebords de lévier. Levant la tête, je vis mon reflet dans le miroir: javais une mine horrible. Mon teint avait blêmi et faisait resortir avec plus dintensité le rose de ma cicatrice. Deux demi-lunes violacées se dessinaient sous mes yeux injectés de sang et de la sueur perlait sur mon front. Mes lèvres, comme mes mains, tremblaient.

Jouvris le robinet deau froide et men aspergeai le visage à plusieurs reprises. Le contact de leau me calma un peu. Pourquoi me sentais-je comme ça?? Pourquoi tombais-je en déconfiture de la sorte?

Une petit voix narquoise me répondit, des tréfonds de ma tête:

-Parce que tes amoureux, espèce dimbécile!!!!

Je pris une profonde inspiration et jappuyai mon front sur le rebord de lévier. Amoureux? Moi? Jamais je navais ressenti quelque chose de semblable auparavant. Certes javais vécu quelques amourettes à lécole, mais jamais je navais éprouvés de tels sentiments pour quelquun! Cest dans des moments pareils quon aimerait bien avoir un guide décrivant les étapes pour se calmer les nerfs afin déviter davoir lair dun parfait crétin! Jaspergeai à nouveau mon visage deau glacée et je fermai le robinet. Jépongeai mon visage à laide dune serviette et au moment ou je me penchai pour reprendre ma canne, quelquun ouvrit la porte sans même prendre la peine de cogner auparavant. Je la reçus en pleine tête et la force du coup menvoya promener sur le dos.

-Aïe!! Bordel de merde!, maugréai-je en masseyant, massant mon front endolori.

Voilà tout ce dont javais besoin: une belle bosse! Jentendis quelquun éclater de rire et, levant les yeux, je vis Shion qui, pliée en deux, me regardait, incapable de se contrôler. Jentrepris de me relever avec beaucoup de difficulté et, riant toujours, elle me tendit une main pour maider à me remettre debout.

-Je... Je mexcuse!, parvint-elle à dire entre deux fou rire, sappuyant contre le bord de la porte, cest mon père qui menvoie: on est prêt à partir et on nattend plus que toi!

-Jarrive, maugréai-je, frottant toujours mon front, les dents serrées.

Je sentais déjà la bosse qui poussait et Shion, vêtue dun tee-shirt blanc et dune jupe mauve, tentait de réprimer son fou rire, sans grand résultats... Elle maccompagna au premier étage, étouffant ses rires dans sa main, et je vis que Yukari nous attendait devant la porte. En nous voyant, Shion qui riait et moi qui massait mon front, elle dit dun air vaguement amusée:

-Quest-ce qui sest passé?

Shion eut un geste de la main qui signifiait “ne me pose pas de question” et elle se précipita dehors en laissant libre cours à ses ricannements. Se tournant vers moi, Yukari répéta, dun air intriguée:

-Quest-ce qui sest passé?

-Shion a cru bon de me faire pousser une prune sur front...

Dun geste délicat, Yukari écarta ma main et ses yeux sécarquillèrent de stupeur en voyant la bosse.

-Comment cest arrivé?, demanda-t-elle, légèrement amusée.

-Seulement petit un accident. Javais laissé tomber ma canne, je me suis penché pour la ramasser et Shion a ouvert la porte. Jétais juste trop près, voilà tout. On y va?

-Tu es certain que tu ne veux pas rester ici pour te reposer?, me demanda-t-elle. Tu as un mine de déterré...

-Non, ça va! Allons-y! Faut pas faire attendre les autres!, dis-je en mefforçant dêtre enthousiaste.

Comme pour faire écho à ce que je venais de dire, jentendis un coup de klaxon. Nous sortîmes à lextérieur et je vis Sora qui nous attendait à côté dune fourgonnette-taxi, ainsi que ses assistantes. Bien que plus spacieuse, une fourgonnette comportait huits places... et nous étions neuf, plus le chauffeur qui pianottait dimpatience sur son volant... Donc sept places disponibles pour neuf personnes... Comment résoudre ce dilemme?

-Jai appelé ce taxi parce quil était impensable que nous prenions ma voiture, dit Sora en souriant.

-Mais va-t-on avoir assez de place, chéri?, demanda Yukari alors que nous nous approchions de la fourgonnette.

-Biensûr, on naura quà se tasser un peu, répliqua son mari sans se départir de son sourire.

Shion et Masahiko sétaient déjà assis sur la dernière banquette, aux côtés de Susumu. En me voyant, Shion se remit à ricanner et Masahiko lui donna un coup de coude en lui disant de se taire.

Tandis que Sora allait sasseoir à lavant, Kazuko monta à son tour, suivie de Hiromi qui sinstalla sur ses genoux, passant un bras autour de son cou. Makoto était adossée contre la fourgonnette et regardait le bout de ses escarpins. De temps à autres, pendant tout ce temps-là, elle mavait décoché un ou deux regards brefs, discrets et timides, avant de retourner à la contemplation de ses escarpins.

-Montez, Yukari-san, dit-elle avec politesse. Je prendrai la dernière place...

La dernière place, avait-elle dit??? Je me rendis compte quelle parlait de moi et soudain, une vague de sueur froide descendit le long de mon échine. Pendant que Yukari prenait place sur la banquette, Makoto, sans oser me regarder dans les yeux, me demanda:

-Jespère que tu ne vois aucun inconvénient à ce que je massieds sur tes genoux, à moins que ça ne te cause un problême?

-N... Non aucun problême, dis-je en tendant la canne à Yukari qui la posa sur ses genoux.

Je maccrochai aux rebords de la portière et je me donnai un élan afin dy grimper. Je poussai un soupir en masseyant et Makoto vint sasseoir sur mes cuisses. Elle referma la portière et passa un bras autour de mon cou, les pommettes roses. Hésitant, jenlaçai sa taille, un sourire gêné sur les lèvres, et Sora dit:

-Chauffeur, veuillez nous conduire au Bistro “Le Piano-Bar”, sil-vous-plaît.

Au moment ou la fourgonnette se mit en route, je sentis mon coeur me refaire le coup du marathon dans ma poitrine. Makoto était lègère comme une plume et elle se blottissait contre moi sans retenue, sans toutefois oser me regarder. Elle sétait ramassée sur elle-même, sa tête appuyée contre mon épaule et je sentais son souffle court dans le creux de mon cou. La chaleur de son corps, mêlée au doux parfum de rose quelle dégageait, avaient quelque chose de réconfortants. Je fermai les yeux pour essayer de me calmer... Peine perdue. Mon coeur battait la chamade et semblait être décidé à défoncer ma poitrine. Derrière moi, jentendais Shion pouffer de rire et Masahiko me dit, ricanneur:

-Alors, tu as fais connaissance avec la porte de la salle de bain du deuxième?

-Ouais, mefforçai-je de dire sur un ton badin. Je crois quelle et moi deviendrons intimes sous peu... On a eu un contact assez significatif, si je puis te dire... Grâce à Shion qui a très bien su jouer les entre-metteuses!

Makoto regarda la bosse sur mon front et elle dit, amusée:

-Tu voulais garder un souvenir fracassant de ta premier journée avec nous, Patrick?

-Cest en quelque sorte ce qui sest passé, dis-je avec un sourire forcé.

À nouveau, elle madressa un sourire craquant et le sentiment que jen ressentis fut comparable à une chute vertigineuse et sans fin. Ironiquement, ça avait quelque chose deuphorisant, moi qui avait toujours eu peur des hauteurs! Assise sur mes genoux, elle était devenue le centre de toute mon attention, le centre de mon Univers. Le monde cessa dexister; ce néant nous enveloppant dans un cocon de solitude silencieuse, ou ceux qui nous accompagnaient à ce moment-là nétaient que de vagues ombres inconnues.

Combien de temps dura le trajet? Je lignore.

Quelquun nous parla-t-il? Probablement...

Une chose seulement était certaine: nos regards ne se quittèrent pas une seule minute tout le temps que nous passâmes dans la fourgonnette... Je le sentais...

Jétais amoureux....

Chapter 5 :: "Concert Involontaire"

Published: 22-09-09 - Last update: 14-11-09

Comments: J'ai pris mon temps pour écrire celui-ci parce que je voulais être certain d'écrire un chapitre à la hauteur du titre... Ici, Patrick montre qu'il n'y a pas que dans le dessin qu'il a du talent...

Pourquoi fallait-il que jaccepte linvitation de Maître Sora, alors que jaurais pu me défiler facilement, rester à la résidence Wakanaé en compagnie de Yukari-san et me reposer? En faisant un rapide calcul, je devais être réveillé depuis au moins trente-six heures et mon corps me criait quil avait besoin de repos... Grand bêta que je suis... Ne voulant pas offenser Maître Sora, jai tout bonnement accepté, peu importe si je risquais de sombrer dans le sommeil à nimporte quel moment de la soirée.

Lendroit ou nous nous rendions était un bistro appelé “Le Piano-Bar”. Je métais attendu à ce que ce soit un endroit tranquille, ou les seuls sons ambiants consisteraient en des bruits de coutellerie sur des assiettes et un petit bruit de conversation étouffé, avec un petit fond musical bien peinard... Rien de bien stimulant, en quelque sorte. Dieu avais-je eu tort de croire ça! Pour commencer, le bistro était bondé; trouver une place pour le groupe de neuf personnes que nous étions nallait pas être une mince affaire. La salle à manger était une pièce rectangulaire faiblement éclairée ou les clients étaient assis autour de tables carrées décorées de nappes rouges. De petites lampes noires occupaient le centre des tables, éclairant faiblement les visages des convives. Le seul véritable éclairage venait de la scène, à lautre bout de la pièce. Les clients étaient bruyants et leurs conversations étaient à peine couvert par la musique dun orchestre composé dun batteur, de deux guitaristes (dont lun chantait), ainsi que dun contre-bassiste. Personne nétait assis au piano à queue noir qui occupait lextrême gauche de la scène. Tous les musiciens portaient un habit trois-pieces noir à noeud papillon et étaient soigneusement coiffés. Entre la scène et la première rangée de tables, il y avait une modeste pièce de danse ou deux trois couples dansaient lentement au rythme de la chanson “Smoke Gets in your eyes”. Jeus un rapide coup doeil autour de moi et, voyant la propreté avec laquelle les clients étaient vêtus, je pensai que je devais sérieusement détonner avec mes jeans et mon tee-shirt... Au moins, dans cette semi-obscurité, la majorité de mes défauts seraient moins visibles...

Une hôtesse nous conduisit à deux tables tout juste devant la scène et nous nous y installâmes. Sora, Yuraki, Shion et Masahiko étaient assis à la première table et moi, jétais assis avec les assistantes, entre Susumu à ma gauche et Makoto à ma droite. Nous avions rapproché les tables lune contre lautre afin de mieux se comprendre pendant la conversation. Quelques minutes plus tard, un serveur vint à notre table. En voyant Susumu et Kazuko, il eut une drôle dexpression de malaise, mais il se contenta de dire:

-Puis-je prendre votre commande?

-Oui, répondit Sora. Champagne pour tout le monde.

-Un verre de jus dorange pour notre fille qui na pas encore lâge de boire de lalcool, sempressa de dire Yukari en voyant Shion qui frottait dun air avide ses mains lune contre lautre.

-Maman!, protesta cette dernière, un air déconfit sur le visage. Jai dix-sept ans, je ne suis plus une enfant!

-Shion, tu nes pas majeure!, rétorqua Yukari dun ton sans réplique. Détail que ton père semble oublier quelques fois!, ajouta-t-elle en décochant un regard chargé de reproches vers Sora qui eut un sourire gêné.

Shion croisa ses bras sur sa poitrine dun air boudeur et Masahiko dit, histoire de changer de sujet:

-Patrick me parlait plus tôt aujourdhui quil était un bon musicien.

-Cest vrai, tu joues de la musique?, demanda Hiromi en posant son menton sur ses mains jointes, accoudée sur la table. Jaimerais entendre ça!

Elle étais assise juste devant moi et je pouvais voir lenthousiasme luire dans ses yeux espiègles. Je levai une main et, lair gêné, je dis:

-Nexagérons rien! Je suis loin dêtre un musicien professionnel comme ceux-là!, dis-je en désignant lorchestre qui entonnait un autre vieil air, “Stand By Me”.

-Ce ne sont pas des pros, dit Susumu. Ici, il ny a que des amateurs qui montent sur cette scène pour faire leurs numéros.

-Pourtant, à les voir, jaurais cru quils étaient...

-Non, dit Masahiko. Certains clients aiment frimer, alors ils font tout pour se faire remarquer... Certains espèrent même quun agent se trouve dans la salle et les remarque, mais ici, ce nest quun petit bistro plutôt ordinaire. Personne dimportant ne vient ici.

-Tu oublies le patron, répliqua Susumu sur un ton de reproche.

-Personne dimportant du domaine de la musique, précisa Masahiko avec un petit sourire entendu.

-Un jour, un groupe de filles sont venues ici pour chanter du Hard Rock... habillées seulement de leurs sous-vêtements..., dit Kazuko avec un certain dédain dans la voix. Elles se sont fait éjecter avant même davoir fini le deuxième couplet...

Je souris en essayant dimaginer la scène... Pathétique... Certaines personnes ne reculaient vraiment devant rien pour se faire remarquer! Pendant que Kazuko et Susumu discutaient de la pluie et du beau temps, jobservai du coin de loeil Makoto qui, assise à côté de moi, navait pas ouvert la bouche depuis quon était descendus de la fourgonnette. Elle continuait de me regarder à la dérobée, un timide sourire aux lèvres. Mon coeur, qui sétait quelque peu calmé, dérapait toujours quand nos yeux se croisaient.

En nous asseyant à notre arrivée, javais cru remarquer quelle avait approché sa chaise de quelques centimètres vers la mienne. Elle mavait adressé un petit sourire, mais navait rien dit. Ses mains étaient croisées sur la tables et quelques fois, jai cru voir quelle esquissait un mouvement vers moi, comme pour les rapprocher des miennes.

Le serveur revint avec nos coupes de champagne et les déposa devant nous sur les tables. Lorsquil prit congé, Maître Sora se leva, sa coupe dans sa main, et il dit:

-Je voudrais porter un toast à la réussite et à la parution du prochain numéro de notre manga “Notre Emblême”. Puisse cette nouvelle parution être, comme les autres, couronnée de succès!

Nous levâmmes nos coupes, puis Maître Sora ajouta:

-Jaimerais par la même occasion, souhaiter officiellement la bienvenue à notre ami, Patrick Decker, qui va passer la prochaine année en notre compagnie! Que ton séjour avec nous tapporte joie, bonheur, connaissance et accomplissement de soi!

Tous levèrent leurs coupes et, lair gêné, je me levai à mon tour et dis:

-Je ne suis pas doué pour les discours, alors je vais tâcher de faire ça court Je voudrais commencer par remercier Maître Sora--

-Appelle-moi Sora, je te lai dit: pas de manières entre nous!, répliqua ce dernier en riant.

-Bon, très bien..., dis-je, pris au dépourvu. Jaimerais remercier Sora, ainsi que sa famille, pour avoir accepté de maccueillir dans son quotidien. Je souhaite ardemment faire honneur aux enseignements qui me seront prodigués en votre compagnie et si je pouvais les évaluer en richesses, je sais que je serais lhomme le plus riche du monde.

Ce petit discours me vallut quelques étreintes de mes nouveaux amis.

Masahiko me demanda, alors que je me rasseyais:

-Jaimerais bien tentendre jouer, Patrick, tu veux?

-Je ne sais pas trop.... Dis-je en posant ma coupe sur la table

-Ah oui, ce serait super! Répondit Hiromi en tapant dans ses mains dun air enthousiaste.

-Je ne saurais pas quoi jouer, protestai-je, gêné.

-Peu importe, tant que cest quelque chose qui bouge!, intervint Shion en me regardant avec insistance.

-Ne le forcez pas, sil ne veut pas, déclara Sora dun ton ferme. Il a fait un long voyage et il nest pas venu ici pour jouer au Jukebox.

-Et en plus, jouer en solo, cest pas ce que jappelle du divertissement qui bouge, poursuivis-je, reconnaissant de lintervention de Sora.

Lorchestre amateur venait de quitter la scène, sous quelques applaudissement mitigés et les membres avaient regagné leur table, lair déçus du peu de succès de leur représentation. Masahiko regarda dans leur direction et il dit:

-Si je parvienss à convaincre ces gars-là de remonter pour jouer avec toi, tu accepterais?

-Masahiko, jai dit non, répliqua son oncle dun ton ferme.

Masahiko eut une moue de déception et je regardai le piano à queue. Je reportai mon regard sur chacun des membres de notre groupe et je vis que cinq dentre eux (Shion, Kazuko, Susumu, Hiromi et Masahiko) me regardaient avec insistance pour que jaccepte. Sora et Yukari, eux, avaient lair de me dire que je ne devais pas me sentir obligé de monter sur la scène. Makoto, elle, me regardait avec un mélange dinsistante timide et denthousiasme. Jeus un soupir et je dis, vaincu:

-Bon, daccord. La majorité lemporte. Je ferai une ou deux chansons, mais pas davantage.

-Super! Sexclama Masahiko en selevant de sa chaise, comme sil avait posé ses fesses sur une punaise.

-Je viens avec toi!, déclara Shion en se levant pour le suivre.

Les suivant du regard, je les vis accourir vers la table des musiciens et ils sassirent avec eux pour leur parler.

-Patrick, tu nas pas à faire de spectacle ce soir, tu as une mine terrible, dit Yukari dune voix douce.

-Bah! Ce nest pas quelque chose de si terrible et ça va leur faire plaisir, dis-je en lui souriant.

-Quest-ce que tu vas nous jouer, alors?, demanda Hiromi avec avidité.

Oups! Je navais pas pensé à celle-là... Quest-ce que les gens aimaient comme musique dans cet endroit? Les clients avaient lair guindés et je ne connaissais que deux ou trois airs de musique classique. Comme je ne voulais que jouer deux ou trois chansons, jallais simplement devoir fouiller dans le répertoire de celles que je connaissais.... Je ressentis une certaine déception en voyant les musiciens quitter leur table (jaurais préféré rester bien peinard à ma table avec mes amis) pour se diriger vers la scène alors que Masahiko et Shion revenaient vers nous, un grand sourire aux lèvres. En sasseyant Masahiko dit:

-Je leur ai dit que tu ne parlais pas japonais, mais ils comprennent très bien langlais, alors tu naurais quà texprimer dans cette langue avec eux. Vas-y, ils tattendent!

Lembouteillage de papillons dans mes tripes revint subitement. Encore une fois, javais accepté sur un coup de tête de faire quelque chose dont je navais pas vraiment envie de faire... Sur le coup, jai eu peur davoir lair faux en chantant... De quoi jaurais lair si je dégueulais sur le clavier du piano??

Je me levai, les fourmis plein les jambes, puis je me dirigeai lentement vers la scène. En me voyant à la lumière de la scène, les musiciens eurent la même réaction face à mon apparence, mais je ne fis pas attention à leur attitude et je mapprochai du chanteur. Utilisant mon meilleur anglais, je me présentai:

-Je mappelle Patrick Decker, enchanté de vous connaître.

-Je mappelle Ijiro Samotomo, répondit le chanteur. Voici Fong-Tse Tong, le batteur, Fujisaki Jinfujin, est guitariste, comme moi et Mao-Che Fuyamasa, est notre contre-bassiste.

Nous nous serrâmes la main à tour de rôle et je dis:

-Je vais moccuper de jouer du piano et de chanter, si vous me le permettez. Quel genre de musique les gens dici aiment écouter?

-Ah de tout, répondit Ijiro. Nous on joue de tout également. On aime particulièrement les vieux styles, mais on joue de la musique récente aussi. Dis-nous un titre et si on connais, on va te suivre.

Je pris un moment pour réfléchir, regardant la foule devant nous. La plupart des clients nous ignoraient souverainement, trop occupés par leurs assiettes et les rares personnes qui daignaient nous regarder le faisaient avec moquerie et septicisme. Seuls mes nouveaux amis nous regardaient dun air enthousiastes et je remarquai que Makoto ne mavait pas quitté des yeux et quelle avait gardé sont petit sourire timide quelle madressait toujours.

-Vous connaissez “Mess Around”, de Ray Charles?, demandai-je en me tournant vers les musiciens.

-Oui, oui, oui! Répondit Ijiro avec un large sourire. On connait, mais jai du mal avec les paroles.

-Laisse-moi le rôle du chanteur, dis-je. Il y en a un de vous qui sait jouer de la trompette ou du saxophone?

-Oui, moi, répondit Fujisaki en levant la main.

-Okay, alors à vos places, dis-je en allant masseoir derrière la piano à queue.

Jajustai le micro à la hauteur de ma bouche et, me tournant vers les clients, je dis, en anglais:

-Bonsoir à tous! Jespère que vous vous amusez avec nous. Je mappelle Patrick Decker et je viens tout juste de débarquer du Canada, un endroit ou tous sont bienvenus!

Quelques applaudissements peu convainquants accueillirent mes propos. Je ne mattendais pas à grand chose non plus.

-Cest un grand plaisir pour moi de me retrouver ici devant vous ce soir et jespère que les quelques chansons que je vais jouer pour vous, en compagnie de mes nouveaux amis, vont vous plaire. Jaimerais saluer les gens qui ont si généreusement accepté de maccueillir dans leur maison comme un membre de leur famille. Ils sont assis juste ici, devant moi: La famille Wakanaé et leurs amis!

Shion et Masahiko, imités par Susumu et Hiromi, tapèrent dans leurs mains et sifflèrent pour se faire voir. Yukari et Sora eurent un petit sourire gêné et me saluèrent de la main, alors que Kazuko, plutôt inexpressive, leva sa coupe vers moi. Seule Makoto tentait de ne pas se faire remarquer, alors quelle me regardait sans sêtre départie de son sourire.

Je fis craquer mes doigts et les fis courir sur le clavier afin de vérifier que le piano était bien accordé. Aucune anicroche. Jentamai alors le début de la chanson, puis je fus suivi des autres musiciens et dès que jentamai le premier couplet, toute la nervosité que je ressentais me quitta dun coup. Ce fut comme si je me retrouvais dans mon élément, à laise derrière le clavier du piano.

Je tentai de garder mes yeux fixés sur mes doigts afin de ne pas voir la réaction des clients, mais durant le solo de piano, suivi du solo de saxophone, je ne pus résister à la temptation de regarder. Surprise: une dizaine de couples dansaient au rythme de la musique.

À la fin de la chanson, Ijiro sapprocha de moi et il dit:

-Tu joues comme un pro! Il faut absolument en faire une autre!

Je regardai les couples qui étaient restés sur la piste, attendant que nous reprenions le “spectacle”. Plusieurs personnes avaient applaudi de bon coeur, mais la question que je me posai à ce moment-là fut si cétait parce quils avaient vraiment aimé ou si cétait juste pour nous encourager à déguerpir au plus vite...

-Great Balls of Fire? Demandai-je

-En avant la musique! Sexclama Ijiro en reprenant sa place.

À la minute ou je commençai à chanter, plusieurs personnes se précipitèrent sur la piste de dance, Masahiko et Shion compris. Tout en chantant, je pouvais voir quils dansaient magnifiquement ensemble... Comme sils étaient faits pour être un couple...

Bien vite, les deux ou trois chansons que je voulais chanter devinrent quatre ou cinq, puis six...

À la fin de la douzième chanson (Pledging My Love, de Johnny Ace), je fis mine de me lever, mais la foule scandait, en anglais:

-Une autre! Une autre!

Je regardai ma montre. Javais commencé à jouer vers les sept heures du soir, il était maintenant neuf heures. Ijiro revint vers moi et il me dit:

-Patrick, la soirée est encore jeune, tu ne peux pas ten aller tout de suite!

-Mais je commence à être fatigué, vieux..., protestai-je, la voix lègèrement éraillée.

-On na jamais vu ça ici auparavant!, répliqua-t-il. Regarde, la piste est presque pleine!

En effet, il ne restait que très peu de personnes aux tables. Même Sora et Yukari étaient venus faire leur tour de piste, accompagnés des assistantes. Makoto était restée assise à sa place, sans cesserde me regarder, comme si elle avait voulu que je linvite à faire un tour de piste et à toutes les fois ou nos regards sétaient croisés, elle avait instantanément rougi.

-Il faut continuer, me lança Mao-Che Fuyamasa avec insistance. Si on arrête maintenant, ils vont nous réduire en poussière!

Me rasseyant, je me creusai les méninges, me demandant ce que je pouvais bien leur jouer.... Jusqualors, nous navions joué que des airs rétros... si nous en changions, nos danseurs risquaient de retourner sasseoir...

-Mesdames et messieurs, dis-je aux clients. Nous vous remercions de vos applaudissements et de votre enthousiasme. Veuillez nous accorder quelques instants afin que nous trouvions dans notre répertoire une autre chanson qui vous fera délirer... En attendant, un serveur aurait-il lamabilité de mapporter un grand verre deau, jai la gorge sèche!

Quelques rires accompagnèrent mon annonce. Je décidai de jouer une pièce instrumentale de Floyd Kramer: “Last Date”. Quelque chose de doux, de calme, pour permettre à tous de respirer un peu. Les notes jouées normalement au violon furent jouées à la guitare par Ijiro et Fong-Tse Tong. Une pièce sentimentale qui permirent aux couples de danser au rythme de leur amour. Je jetai un rapide coup doeil en direction de Makoto et je lui souris. Comme jaurais voulu danser avec elle sur cet air! Quelque chose dans ses yeux me laissait sous-entendre quelle partageait peut-être cet envie...

Le rythme reprit de plus belle lorsque nous entonnâmes “Long Tall Sally”, puis “Good Golly, Miss Molly”. Je faillis cependant me tromper royalement quand nous jouâmes “Splish Splash”, mais Ijiro vint à ma rescousse. Une autre heure passa jusquà ce que je décide enfin de cesser de jouer. Je terminai ce “concert involontaire” avec la chanson “The Glory of Love”. Javais la voix enrouée et mes doigts étaient fatigués. Ijiro et sa bande vinrent me remercier de leur avoir donné la chance de jouer avec autant dentrain, puis ils prirent congé après mavoir serré une dernière fois la main à tour de rôle. Les clients nous avaient applaudis copieusement à la fin de chaque chansons et en redemandaient toujours plus. Leurs encouragements mavaient donné un regain dénergie qui, après le “spectacle”, sétait épuisé. Je tenais à peine sur mes deux jambes. En allant me rasseoir à notre table, je fus accueilli par Masahiko qui ne cessait de me donner de grandes tapes dans le dos comme pour me féliciter du tabac que je venais de faire et par Shion qui, très remontée, ne cessait de me dire que je lui avais fait grandement plaisir en la faisant danser comme ça. À la voir ainsi hyperactive, je la soupçonnai davoir profité que son père était venu sur la piste de danse avec Yukari pour lui voler quelques gorgées de champagne. Susumu et Hiromi étaient aussi très enthousiastes du petit numéro musical que je venais de donner. Discrète, Makoto se contenta de me dire:

-Tu joues très bien, tu as beaucoup de talent... et tu as une très belle voix quand tu chantes.

Je ne savais plus quoi penser à son propos... Une minute, elle semblait sur le point de me sauter au cou pour membrasser, la seconde daprès elle semblait prête à se sauver de moi en prennant ses jambes à son cou.

-Tu avais dit que tu nétais pas un pro, dit Sora avec un large sourire, mais tu pourrais facilement faire carrière dans ce domaine, si jamais tu te lassais du dessin...

-Cest quelque chose que je fais comme passe-temps, répliquai-je gêné. Je ne pense pas avoir le potentiel pour faire une carrière internationnale.

-Tu pourrais facilement, répondit alors Makoto en me souriant.

Dun geste timide, elle posa une main sur la mienne. Le contact fut chaud, délicat et empreint de douceur, comme si elle voulait prendre garde de me pas me briser la main. Plongeant son regard dans mes yeux, et elle ajouta, dune voix tendre:

-Que ce soit pour dessiner ou pour jouer du piano, tes mains sont très précieuses et grâce à elles, on comprend clairement que tu exprimes ce que tu as de plus beau au fond de ton coeur...

-Cest très gentil de ta part de me dire ça, je tâcherai de men souvenir quand je rejouerai du piano..., répliquai-je dune voix étrangement douce.

Les paroles quelle venait de prononcer métaient allées droit au coeur et je ne pus réprimer un petit sourire. Lorsque jétouffai un long baillement, Yukari décréta dun ton sans réplique quil était temps pour tout le monde de rentrer à la maison. Pendant que nous nous préparions à quitter nos tables, jentendis Masahiko dire pour lui-même, dans ce qui semblait être un soupir de soulagement:

-Au moins, cette fois-ci, Oncle Sora et ses assistantes ne se sont pas mise à danser nus devant tout le monde!

-Plaît-il?!, dis-je, incertain davoir bien compris ce quil venait de dire.

-Rien, rien, rien, sempressa de dire Makoto, levant les mains devant elle, lair embarrassée.

Susumu se pencha vers moi et murmura à mon oreille, un air malicieux se peignant sur son visage:

-Une petite habitude que nous avons entre nous quand nous allons au Karaoké Do Ré Mi. Cette fois-ci, le Patron a pensé que ce serait innapproprié de ty amener puisque tu nes pas encore initié à nos coutûmes... Lorsque ce sera le cas, tu verras que Makoto est une très bonne danseuse!

-Su!!, siffla Makoto, les joues enflammées, arborant un air de reproche. Ne membarasse pas devant Patrick-san!

Jeus un petit sourire en coin et, par égard pour elle, je prétendis navoir rien entendu. Tandis que nous nous dirigions vers la sortie, plusieurs clients se levèrent sur mon passage pour me serrer la main et pour me dire combien ils avaient aimé ma petite prestation musicale. Je les remerciai pour leur compliments en leur serrant la main aussi chaleureusement que possible et, lorsque nous fûmes arrivés à lextérieur, Shion me demanda, lair un peu pompette:

-Tu nas pas signé dautographes, Patrick?

-Javais égaré mon stylo, répondis-je, le plus sérieusement du monde.

Shion éclata de rire en sappuyant contre lépaule de son cousin qui vit, mal à laise, que Yukari regardait sa fille dun air courroucé. À lextérieur, lair était encore chaud, mais moins étouffant que cet après-midi-là, lors de mon arrivée. Quand la fourgonnette taxi se garra devant nous, nous reprîmes nos place à lintérieur et Makoto, une fois de plus, vint sasseoir sur mes genoux. Durant le trajet, Shion sendormit, la tête posée sur lépaule de Masahiko et Hiromi, passablement ivre, ne cessait de nous regarder, semblant envier Makoto. En posant les yeux sur elle, je ressentis à nouveau la flèche de Cupidon transpercer mon coeur...

Était-il possible quil puisse y avoir une place au soleil pour un monstre de laideur tel que moi?

Chapter 6 :: Du sommeil, enfin! ...ou peut-être pas encore!

Published: 14-11-09 - Last update: 14-11-09

Comments: Après une longue période de vide et de hauts et de bas dans ma vie personnelle, je vous offre un nouveau chapitre qui apporte la conclusion à la première journée de Patrick chez les Wakanaés. On en apprend encore un peu plus sur lui, alors qu'il glisse lentement vers les limbes du sommeil tant mérité...

Note à moi-même: ne plus jamais passer plus de 24 heures sans sommeil... Plus que ça, cest de lindécence... Pire, ça tient du meurtre!!

Jétais si fatigué que javais de la difficulté à garder les yeux ouverts, arrivant à peine à me tenir debout quand jentrai à lintérieur de la résidence des Wakanaé. Il me semblait même entendre ma canne protester de craquements sous le poids que je faisais peser sur elle. Il métait impossible de demander laide de Masahiko: le pauvre bougre était occupé à porter le poids dune Shion à la démarche incertaine, alors que Yukari-san soutenait Sora qui ne semblait pas tellement conscient de ce qui se passait autour de lui. Les assistantes nous avaient quittés sur le seuil de la porte pour aller se coucher dans leur chambre au deuxième étage et chacune delles avaient insisté pour me faire une dernière collade (celle de Kazuko faillit me broyer les côtes). Pendant un moment, il mavait semblé que Makoto hésitait entre me suivre ou aller se coucher, mais elle décida finalemtn de prendre congé.

-Tu veux certainement aller te mettre au lit immédiatement, me demanda Yukari en laissant Sora s'écrouler lourdement sur le sofa du salon.

-Disons que jentends lappel du lit qui se fait de plus en plus insistant, répliquai-je en masseyant sur le sofa, à côté de maître Sora qui sétait mis à ronfler doucement.

Jarrivai à peine à cacher un bâillement et jajoutai:

-Je suis si fatigué que jignore même si jaurai la force de me déshabiller...

-Alors file te coucher, répondit Yukari en souriant. Je vais être capable de moccuper de Sora moi-même.

-Est-ce quil va falloir que je transporte Shion à sa chambre tout seul?, protesta Masahiko depuis le pied de lescalier. Elle est pas grosse, mais elle est dune lourdeur quand elle a bu!

-Jai deux bras et trois jambes, dis-je en riant, mais lun de mes bras est occupé à tenir ma troisième jambe!

Masahiko ne sembla pas comprendre ma petite farce, qui nétait pas tellement drôle dans le fond, et il entreprit la difficile tâche daider sa cousine à monter les marches de lescalier. Il me sembla quelle marmonna quelque chose du genre “je veux pas me coucher”, mais je ne pouvais en être certain. Yukari-san me regarda avec gêne et elle me dit:

-Tu dois avoir une drôle dopinion sur nous: Shion est ivre alors quelle est encore mineure et mon mari qui ne peut supporter les effets secondaires de lalcool!

Jeus un petit sourire et je lui dis, lair compatissant:

-Je ne pense rien qui pourrais vous être désobligeant, Yukari-san. Si vous saviez...

-Commence par me tutoyer, dit-elle en souriant. Et quest-ce que je ne sais pas?

Je regardai Maître Sora qui ronflait doucement et je dis, un peu réticent:

-Cest toi qui risquerait davoir une drôle dopinion sur ma personne...

-Tu nas pas à me le dire si tu ne le veux pas, répondit Yukari en sasseyant à côté de moi.

La voir si près aurait pu me révéler quelques indices sur son sexe: cétait un homme travesti, je le savais, mais je ne pouvais voir aucun trait de masculinité dans ce visage bienveillant qui était tourné vers moi et dont le tendre regard semblait percer la façade de dur à cuir que je présentais lorsque je me sentais embarassé.

Je déposai ma canne sur le sol et, croisant les bras sur ma poitrine, je dis:

-Shion est dune humeur lègère quand elle boit: lalcool semble la rendre taquine et moqueuse, à ce que jai pu constater. Pour ce qui est de Sora-san, un verre lassomme... Et toi?

-Je ne bois à peu près jamais, sauf lors de grandes occasions, mais je marrête bien avant de ressentir les premiers symptômes de livresse.

-Rien de mal alors... En ce qui me concerne, jévite lalcool comme la peste. Quand on men offre, je la refuse et si on insiste, je prends le verre, mais je ne le bois pas. Finalement, il sévente et il faut le larguer.

-Ça te rend malade?

-Non. Vous connaissez lhistoire du Docteur Jekyll et de Mister Hyde?

-Oui, mais quel est le rapport?

-Je suis doux et paisible de nature, même sil marrive dêtre nerveux et timide dans certaines circonstances... Toutefois, quand jai un verre dans le nez, je deviens le contraire de ce que je suis: je perds toute inhibitions, je deviens maussade et impatient. Si on pousse le mauvais bouton, je pète un plomb... Je pourrais facilement assommer dun coup de poing quelquun daussi massif que Kazuko... Vous tous me détesteriez si jamais je prenais un verre...

Yukari me regarda dun air incrédule, incapable dimaginer un nabot comme moi applatissant une géante comme Kazu... Jeus un sourire gêné et réprimant un autre bâillement, jajoutai:

-Au moins, je suis assez conscient de ces faits et cest pourquoi je navale rien qui a plus dun demi pourcent dalcool...

-Cest rassurant, dit-elle dans un ricannement. Jaimerais bien que Shion soit raisonnable comme toi, mais parfois, la maturité semble lui faire défaut...

-Ta fille est tout à fait respectable et la maturité vient avec lâge... Elle est encore jeune et comme les jeunes de son âge, elle veut être traîtée comme si elle était plus agée... ça lui passera.

Il y eut un court silence, puis elle dit:

-Il se fait tard, tu devrais aller te coucher.

-Le lit hurle mon nom..., dis en feignant de tendre loreille. Jarrive!!, lançai-je vers le plafond, avec un sourire, feignant de répondre à lappel imaginaire de mon lit.

Yukari ramassa ma canne et me la rendit, puis je mextirpai du sofa pour me mettre debout. Nous nous souhaitâmes bonne nuit et je montai lentement les marches de lescalier. À la dernière marche, ma jambe faible me trahit et je faillis métaller de tout mon long sur le sol, mais Masahiko me rattrappa au dernier moment et me soutint un instant avant de dire:

-Est-ce que tu veux que je taccompagne jusquà ta chambre?

-Je pense que cest un bonne idée, dis-je avec reconnaissance en mappuyant sur lui. Ma satanée jambe a tendance à me jouer des tours quand je suis aussi fatigué...

Nous marchâmes côte à côte jusquà ma chambre, Masahiko ajustant son pas avec le mien. Il ouvrit la porte et mattira à lintérieur. Il me soutint jusquà ce que je fus assis sur le lit et il me demanda:

-Tas besoin dautre chose? Y a quà demander.

-Une nouvelle jambe et un nouveau visage, si tas ces articles en stock, je suis preneur, dis-je, lair lugubre.

Masahiko ne put retenir un petit ricannement et il sassit à mes côtés. Me donnant une tape dans le dos, il dit:

-Cest tout un concert que tu nous as donné au Bistro, tout à lheure. Tu aurais pu faire carrière dans la musique!

-Je ne joue pas aussi bien que Liberace et je ne chante pas aussi bien que Roy Orbison, mais je me débrouille..., dis-je humblement. Cest quelque chose que cet accident ne ma pas enlevé... Quant à la carrière, avec la tête que jai, je ferais fuir les foules plutôt que les attirer!

Masahiko madressa un air de reproche et il dit:

-Patrick, tu es comme tu es et cest très bien ainsi. Si tu navais pas eu cet accident, tu ne serais peut-être pas ici, en ce moment. Tu mas dit que tu avais pris conscience de ton talent de dessinateur durant ta convalescence et que cest à lhôpital que tu as pris connaissance des oeuvres de mon oncle Sora... Si cette voiture ne tavait pas explosé à la figure, tu ne nous aurais pas émerveillé avec tes chansons...

-Ce fut un honneur de frôler la mort pour vous rencontrer, dis-je, sarcastique.

Masahiko ne sembla pas remarquer le ton de ma voix et il dit:

-Une journée déjà sest écoulée de ton séjour ici et tu en as déjà vu de belles, non? Ma cousine et mon oncle ivres, les assistantes...

-Tes amis qui veulent te voir habillé en fille..., ajoutai-je avec malice.

-Ouais, mes amis qui veulent me voir habillé en fille... répéta-t-il avec froideur, les dents serrées. Javais oublié que je devais les rencontrer demain, ceux-là!

-Ils ne maiment pas beaucoup, dis-je.

-Ne porte pas attention à leurs regards. Ils nont jamais rencontré quelquun comme toi avant.

-Quelquun comme moi?, répétai-je aussitôt, piqué au vif. Quest-ce que tu veux dire?

-Ne te fâche pas, répondit-il, mal à laise. Jai pas voulu toffenser, loin de moi cette idée. Je voulais simplement dire quils étaient mal à laise face à ton aspect et ton handicap... Ils tont pris pour un Yakuza, cest certain. Tas pas lair dun tendre...

Je me détendis... Ma vive réaction était clairement injustifiée.

-Je mexcuse si jai paru fâché, dis-je. Je suis épuisé... Et jai encore quelques complexes à cause de mon apparence... Entouré de gens aussi positifs et accueillants, je ne peux que men guérir, à la longue...

Masahiko se leva et il dit:

-Je te laisse dormir en paix, alors. Bonne nuit et repose-toi bien!

-Merci! Bonne chance avec tes copains demain, tu me raconteras!

-Sois certain que je te reviendrai là-dessus! À plus!

Il allait refermer la porte derrière lui quand jentendis Shion dire, la voix traînante:

-Laisse-moi passer, Masahiko! Je veux lui souhaiter bonne nuit!

-Il est couché! Répondit Masahiko

-Cest pas vrai!, protesta ladolescente en poussant son cousin, forçant ce dernier à revenir à lintérieur de la chambre à reculon. Il trébucha dans lune des boîtes de Kaoru et il tomba à la renverse.

Shion me regarda avec un petit sourire malicieux et, se tournant vers son cousin, lair sévère, elle dit:

-Tu es un sacré menteur, Masahiko Yanagiba! Il nest pas au lit! Il nest même pas déshabillé!

-Cest malin!, protesta lautre en se mettant debout, massant son fessier endolori. Jaurais pu me casser le cou en tombant!

Shion grogna dexaspération et elle vint sagenouiller devant moi, un petit sourire aux lèvres. Ses pommettes et le bout de son nez étaient rosés et ses yeux étaient perdus dans le vague, mais elle me regardait avec gentillesse et elle dit:

-Je suis peut-être pompette, mais jai quelque chose à te dire et je suis très sincère!

-Je técoute, Shion, dis-je avec amusement, en dépit du sommeil qui mengourdissait de plus en plus.

Elle prit une grande inspiration et elle dit, avec fermeté:

-Je tai entendu à travers la porte et je veux que tu arrêtes de penser que tu es laid! Tu ne les pas, même que je te trouve très beau.

-Shion, cest pas le moment de le draguer! Siffla Masahiko en tentant de remettre sa cousine debout.

Elle se défit de lemprise de son cousin dun geste vif du bras et elle dit:

-Ben quoi, ben quoi? Il a lair dun voyou et ça me plait! Et si ça me plait, ça veut dire que ça va plaire aux autres!

-Shion tu est saoûle, vas donc te coucher!, répondit Masahiko en tentant à nouveau dentraîner sa cousine hors de ma chambre à coucher.

Elle se dégagea à nouveau et elle dit, dun air enjoué:

-Attends un peu! Faut le border, sil est aussi fatigué!

Avant même que jeusse le temps de comprendre ce quelle avait en tête, Shion se saisit fermement de mon tee-shirt et elle me lenleva de sur le dos. Elle se figea alors sur place lorsquelle vit mon torse découvert: lexplosion de la voiture navait pas fait que mutiler mon visage ou mhandicaper une jambe. Le feu avait brûlé une partie de mon côté droit dans le dos et des éclats de verre avaient zèbré mon ventre et mes pectoreaux de cicatrices profondes. Mon épaule gauche était marqué dun X rosé et mon bras droit était marqué dune brûlure en forme de “S” . Ce lot de souvenirs douloureux pétrifièrent la jeune fille et son cousin qui me regardèrent un instant, interdits et stupéfait, Shion tenant mon chandail devant elle, comme si elle sapprêtait à laccrocher sur une corde à linge. Atrocement gêné, je détournai mon visage deux, sentant le rouge me monter aux joues, serrant les couvertures dans mes poings si fort que les jointures de mes doigts étaient blanchies. Masahiko prit lentement Shion par un bras et lui dit, alors quil lentraînait à lextérieur de la pièce, les dents serrées, la colère faisant trembler sa voix:

-Maintenant, on sort dici gentiment et on le laisse tranquille! Il est fatigué et il a besoin de beaucoup de repos après le spectacle quil nous a gentiment offert! Cest daccord, Shion?

Incapable de détacher son regard de moi, Shion hocha distraitement la tête et laissa tomber mon chandail négligement sur le sol. Masahiko la poussa litéralement hors de ma chambre et il dit, mal à laise:

-Désolé, elle...

-... est ivre, je sais, répondis-je, osant à peine le regarder en face. Je paris quelle me trouve moins beau, à présent...

-Cest pas vrai! Répondit Shion depuis le couloir.

-Bonne nuit Patrick!, dit Masahiko, lair découragé, avant de refermer la porte derrière lui.

Je restai un long moment immobile, assis sur mon lit. La réaction de Shion avait été la même que bien dautres femmes avant elle: elles me disaient toutes que mon visage ne les rebutait pas, mais quand elles me voyaient torse nu, cétait une toute autre histoire... Je pensai alors à Makoto... Si quelque chose de sérieux devait se passer entre nous, aurait-elle la même réaction, elle aussi? Rien de bien rassurant...

Jentrepris de préparer mon lit afin de my glisser quand un frappa doucement à ma porte.

-Une minute, dis-je en mempressant de remettre mon chandail. Entrez!

Hiromi, Susumu et Kazuko entrèrent alors dans ma chambre, un large sourire illuminant leurs visages et elles vinrent à nouveau me serrer tour à tour dans leurs bras pour me souhaiter bonne nuit. Une nouvelle fois je sentais que je passais au broyeur quand Kazuko menserra dans ses bras et Hiromi fit preuve de plus de délicatesse lorsquelle métreignit. Susumu et Kazu sortirent et Hiromi sattarda un moment au cours duquel elle me demanda:

-Tu avais lair songeur quand nous sommes entrées. Il y a quelque chose qui ne va pas?

-Dans un moment de délire divresse, Shion a décidé de me border... Dis-je après un court silence. Et elle a commencé par menlever mon chandail...

Devant son air interrogateur, jenlevai mon chandail dans un soupir et jattendis sa réaction; elle nen neut aucune. Elle me regarda un instant sans rien dire, puis dans un haussement dépaules, elle dit:

-Et alors? Je ne comprends pas...

-Alors cest que tu as besoin de lunettes, Hiromi... Dis-je un peu plus froidement que je ne laurais voulu...

-Ou cest peut-être toi qui a besoin dune greffe de raison...

Je regardai Hiromi un instant, incapable de comprendre le sens de ses paroles et, devant mon air interrogateur, elle dit:

-La famille qui vit sous ce toit, ainsi que leurs amies, sont logés à la même enseigne que toi, mon vieux. Si tu crois que tu es le seul quon regarde comme un monstre de la nature, quon dévisage ou quon murmure dans son dos, alors détrompe-toi! Tu nes pas le seul à faire face aux préjugés de ton entourage. Certaines dentre nous ont été rejetées par leur famille et lune dentre nous vit sa vie à linsu de sa famille pour ne pas la perdre...

-Au moins, vous navez pas lair dun steak à demi brûlé!, répondis-je froidement. Vous ètes belles! Moi, cest avec un sac de patate sur la tête que jai le plus de chance de rencontrer quelquun!

-Si ça pouvait te rendre plus brillant... Répondit Hiromi dans un ricanement.

Je serrai les poings et les dents, mais najoutai rien... je ne voulais pas me faire dennemies le premier soir...

-Les Wakanaé sont ta nouvelle famille et ils ne vont pas te rejeter à cause de ta différence. Il en est de même pour le quatuor que nous, les assistantes de Maître Sora, formons. Ici, cest un hâvre de paix pour les gens qui sortent de lordinaire. Penses-y quand tu seras dans le doûte.

Hiromi vint membrasser sur ma joue mutilée et elle se dirigea vers la porte. Au moment de sortir, elle ajouta:

-Au fait, je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais Makoto na pas dit un seul mot depuis quon est rentrées. Dhabitude, elle narrête pas de jacasser quand on revient de lune de nos fêtes, au point ou on lassommerait parce quelle nous empêche de dormir... Mais là, cest le silence complet. Tu dois lui faire effet...

Elle me fit un clin doeil complice avant de fermer la porte et me laissa là, seul, planté au milieu de la pièce, dans un silence lourd. La seule que jattendais cette nuit-là ne daigna pas venir me rendre visite.... Je le savais, cétait trop beau pour être vrai... Résigné, je me déshabillai et je me glissai sous les couvertures, en dépit de la chaleur qui planait dans la chambre.

Les yeux fixés au plafond, je ne pus mempêcher de penser à Makoto... Si je lui faisais un tel effet, était-ce une bonne chose? Je métais interdit de tomber amoureux et javais enfreint cette résolution. Si quelque chose devait se passer entre elle et moi, cette relation était condamnée à léchec, peu importe le nombre de moments de bonheur et de joie que nous partagerions ensemble: mon séjour au Japon était destiné à être bref. Il ne durerait pas définitivement. Les pleurs dominaient ce chemin, alors que si je taisais mes sentiments, ce chemin-là serait condamné à être dominé par damers regrets...

Ces pensées me tourmentèrent un long moment. Quand je me retournai et que je fermai les yeux, il ne me fallut cependant pas longtemps pour sombrer dans un lourd sommeil bienfaisant...

Chapter 7 :: À coeurs ouverts

Published: 26-11-09 - Last update: 26-11-09

Comments: On apprend à connaitre dans ce chapitre un côté un peu plus émotif en ce qui a traît aux personnages principaux... avec quelques interrogations.

Ce furent les chauds rayons du soleil qui me réveillèrent le lendemain matin. Ma fenêtre possèdant pas de rideaux, le soleil brillait joyeusement sur mon visage, mordonnant de me réveiller et de sauter hors du lit. Je me retournai sur le ventre, enfouissant mon visage dans mon oreiller, tentant de me replonger dans la noirceur, mais le mal était fait: jétais réveillé et il nétait plus question pour moi de faire la grasse matinée. De mauvaise grâce, je massis dans mon lit et je regardai autour de moi. La grande chambre à coucher quon me prêtait était baignée dune chaude lumière et une brise tiède sy engouffrait par la fenêtre ouverte à la tête de mon lit. Javais passé une nuit sans rêve, dont le sommeil réparateur mavait fait le plus grand bien.

Je me frottai les yeux et métirai de tout mon long avant de me laisser retomber sur le dos, les yeux fixés sur le plafond de ma chambre, un petit sourire aux lèvres. Je me surpris à penser que jallais vivre dans cette belle famille pour une année entière, à tenter de faire honneur à mes engagements envers Maître Sora... en plus dessayer de composer avec le fait que jaimais une personne qui ne maimait pas de la même façon en retour.

Un grand éclat de rire à lextérieur me poussa à regarder par la fenêtre. Japerçus Masahiko qui séloignait de la maison, les deux mains dans les poches de son jean, la tête basse, un sac à dos accroché à son épaule. Il marchait dun pas raide en donnant de grands coups de pieds rageurs dans les caillous quil trouvait sur son chemin. Jentendis Shion sexclamer, depuis le porche:

-Hé!! Attends! Tu es certain de navoir pas oublié dapporter ta robe noire? Tu sais, celle qui rend Tatsumi complètement fou!

Je réprimai un fou rire et jeus tout juste le temps de voir Masahiko adresser à sa cousine un geste pas très poli de la main... Je sortis hors du lit et je fouillai dans ma valise afin de trouver des vêtements propres. Je pris un tee-shirt noir et un jean bleu que je revêtis et je me saisis de ma canne. Ma satanée jambe avait repris un peu de force, mais pas suffisament pour que je puisse mappuyer dessus en tout sécurité. Je me rendis à la salle de bain de létage et je me regardai dans le miroir. Javais une mine affreuse, avec mes cheveux en bataille, mon menton mal rasé et mes yeux encore bouffis de sommeil. Je maspergeai le visage deau froide, puis je peignai mes cheveux sans les attacher. Je voulais juste dissimuler mon visage un tout petit peu, question de cacher un peu mes “défauts”.

Je sortis de la salle de bain et je descendis lentement lescalier. À mesure que je mapprochais de la salle à manger, jentendis des bribes dune conversation entre Yukari-San et Makoto. Avant de me juger sur ce que je vais vous dire, comprenez-moi bien: je ne suis pas du genre à écouter aux portes, ni à espionner les autres, mais malgré moi , la curiosité lemporta et, me faisant discret, jécoutai ce quelles se disaient à voix basse, appuyé sur ma canne.

-Depuis que je lai vu, disait Makoto, je narrête pas de penser à lui. Il sest passé très peu de temps depuis quon sest rencontré, mais il ma charmée et attirée dès que mes yeux se sont posés sur lui...

-Je te comprends, répondit Yukari dune voix appaisante, mais pourquoi tu ne le lui dis pas? Je suis certaine quil serait plus quheureux si tu touvrais à lui.

Un petit silence ou je devinais une certaine hésitation, puis Makoto dit, un peu mal à laise:

-Et sil ne partage pas les mêmes sentiments à mon égard? Je ne pourrais supporter un autre rejet...

-Quest-ce qui te fait penser quil te rejettera?

-Parce que ce serait trop beau sil acceptait que lon se fréquente... Répondit Makoto dans un soupir.

Je serrai les mâchoires et mes mains se crispèrent sur le pommeau de ma canne. Je neus aucune difficulté à me représenter ce beau prince charmant qui avait séduit Makoto: un grand homme bien bâti, aux traits parfaits, au visage et au corps sans marques de mutilation... Un homme capable de marcher sans laide dune canne, sans avoir besoin de cacher son visage derrière un rideau de cheveux... Je pris une grande inspiration afin de calmer la course folle de mon coeur et je continuai découter parce que soudainement, je voulais avoir mal, je voulais souffrir: de cette façon, mes illusions dune romance avec cette belle assistante seraient freinées au plus vite.

-Makoto, poursuivit Yukari sur un ton toujours appaisant, si tu ne touvre pas à lui, tu pourrais le regretter amèrement toute ta vie. Tu pourrais même être très étonnée de sa réponse.

-Mais jai vraiment peur quil me rejette! Les hommes qui aiment les femmes comme nous sont tellement difficiles à trouver... Vous et Maître Sora avez eu la chance de vous trouver et vous avez pu fonder une famille, mais le rôle dune mère cest un rôle que je ne pourrai jamais jouer parce que lhomme que je recherche nest pas le même genre dhomme que votre mari...

-Peu importe, répondit Yukari, la vie est trop longue quand on la vit seule. Le seul conseil que je puisse te donner, cest de tenter ta chance avec lui. Si jamais il nest pas intéressé, tu auras le mérite davoir essayé. Si par contre il savère quil est aussi épris de toi, alors tu auras la satisfaction davoir trouvé ton âme-soeur.

Un autre silence, un autre coup de poignard au centre de mon coeur meurtri, puis dune voix timide, Makoto dit:

-La première fois que je lai vu, je nai su que dire ou que faire. Je le trouvais tellement beau, tellement séduisant... Il ma envoûtée au premier coup doeil. Le monde a cessé dexister. Il ny avait que lui, il était devenu le centre de lUnivers autour duquel je gravitais.

-Cest un peu comme ça que je me sentais quand jai rencontré Sora la première fois, répondit Yukari sur un ton ou lon devinait le petit ricannement.

-Cette nuit, jai eu beaucoup de difficulté à mendormir parce que je ne faisais que penser à lui. Je ne voulais pas mendormir parce que javais peur quà mon réveil je doive réaliser que javais rêvé...

-Sora et moi étions incapables de cesser de nous regarder. Quand il est venu me parler, javais le coeur qui battait la chamade...

-Jai tellement peur davoir lair ridicule si jallais lui dévoiler mes sentiments pour lui!, répondit Makoto dune voix étouffée.

Sur un coup de tête, sans trop y réfléchir, jentrai dans la salle à manger. Yukari était assise à côté de Makoto et lui entourait les épaules de son bras droit. Cette dernière avait enfoui son visage dans ses mains et en entendant le bruit de ma démarche claudiquante, elle se redressa. Il ne lui fallut quune fraction de seconde pour transformer sa surprise en un sourire qui parrut forcé, elle me salua, immitée par Yukari.

-Tu es déjà réveillé?, me demanda cette dernière en se levant de sa chaise. Je pensais que tu dormirais plus longtemps que ça, il est à peine huit heures du matin!

-Disons que le “bombardement” ma réveillé... répondis-je en tentant de sourire.

-Je ne comprends ce que tu veux dire..., demanda Yukari dun air interrogateur.

-Le bombardement de rayons de soleil, répondis-je en souriant. Je nai pas de rideaux dans mes fenêtres, quelque chose quil va falloir remédier au plus vite...

Makoto baissa la tête dun air gêné et elle me lança un regard bref et timide avant de se mettre à fixer ses mains en silence. La voilà qui recommençait son petit manège de timidité... Yukari sapprocha du frigo et elle me demanda:

-Tu veux que je te prépare quelque chose?

-Non merci, répliquai-je en fixant Makoto dun regard scrutateur. Je ne mange jamais le matin, je nai pas faim.

Un silence lourd que je trouvai oppressant sinstalla dans la pièce et je ne trouvai rien à dire pour le rompre. Makoto et moi continuions déchanger des brefs regards alors que Yukari saffairait à remplir le lave-vaisselle.

-Tu as bien dormi, au moins?, finit-elle par me demander.

-Comme un loir, répondis-je en me tournant vers elle. Masahiko a joué le bon samaritain en maidant à gravir les dernières marches de lescalier et en me soutenant pour maider à me rendre à ma chambre et Shion a même voulu me border... Bref, je suis traîté comme un roi ici!

Yukari échappa un petit ricannement et elle dit:

-Shion est tout un numéro quand elle a trop bu... On essaie de la surveiller et de la sermonner pour quelle se montre plus raisonnable, mais parfois, cest peine perdue.

-Faut bien que jeunesse se passe, dis-je. Jai déjà été jeune comme ça...

-Tu nes pas si vieux..., dit Yukari en riant.

-Hé Ho! Jai tout de même vingt-neuf ans!

Autre silence durant lequel Makoto et moi échangeâmes un nouveau regard. Tantdis que je gardais un visage de marbre, méfforçant de rester inexpressif, elle madressa un timide sourire et elle esquissa un geste comme si elle voulait poser sa main sur la mienne, mais elle se ravisa lorsque Yukari revint sasseoir avec nous.

-Je voulais te féliciter une nouvelle fois pour le petit spectacle que tu nous as donné hier au Bistro, dit-elle comme si elle navait pas remarqué le geste de Makoto. Tu chantes très bien.

-Merci encore, répondis-je avec un sourire forcé. Il faut dire que javais un excellent orchestre qui maccompagnait.

-Pour jouer, ils savaient jouer, dit Makoto dans un soupir, mais pour chanter, tu étais le meilleur.

Je ne répondis pas. La jalousie pour ce prince charmant qui lavait séduite me tuait: ce qui me torturait le plus, cest que la veille, tout en elle, depuis sa façon de me regarder et de me parler, jusquà la façon quelle avait eu de saccrocher à mon cou lorsque nous étions assis dans la wagonnette, semblait mindiquer que javais une chance... Pourquoi avait-elle joué ce jeu alors, si cétait pour me jeter à la figure que je nétais pas dans son coeur?

Avec un mot dexcuse, je pris congé et je sortis à lextérieur en prenant soin de mettre mes verres fumés. Je trouvai Shion et Sora qui se lançaient la balle, au fond de la cour arrière, à lombre de deux arbres. Je les observai quelques instants alors quils échangeaient des blagues qui les faisaient bien rire, jusquà ce que Shion saperçoive de ma présence.

Avec un petit sourire malicieux, elle me lança la balle en sécriant:

-Pense vite!

Dun geste vif, je saisis la balle qui me pinça la paume de ma main et, un sourire narquois aux lèvres, je dis:

-Tu ne pensais quand même pas que jallais laisser passer ça?

Sora me regarda, aussi impressionné que sa fille qui semblait prise au dépourvu et il dit, après avoir échappé un petit sifflement:

-Cétait tout un boulet que ma fille ta lancé la et tu las attrappé à main nue?? Quel autre talent as-tu et quon ignore?

-Avoir le coup de foudre pour les mauvaises personnes, répondis-je en mapprochant deux.

-Hein?, demanda Shion en me regardant dun air interrogateur.

-Pense vite, répliquai-je.

Sans autre avertissement, je laissai tomber ma canne et je lui lançai la balle de toutes mes forces. Entraîné par mon élan, je perdis léquilibre et je tombai par terre, les deux mains sur le gazon chaud. Shion dût tendre le bras au-dessus delle pour lattrapper de justesse parce que javais lancé un peu trop haut. Quand elle me vit par terre, elle fit un pas vers moi pour maider à me relever, mais je me redressai aussitôt, après mêtre emparé de ma canne.

-Il sait lancer, en tout cas!, dit Shion en regardant son père. Ouille ouille ouille! Ça pince!

Elle avait enlevé son gant de base ball et elle secouait sa main. Sora échappa un petit ricannement et il dit:

-Je vous laisse, je vais dans mon studio. Jai encore quelques croquis à faire pour Mademoiselle Mori. À plus tard et toi Patrick, profite bien de ta semaine de congé parce que dans six jours, tu commences!

-Lattente sera interminable, répondis en souriant.

Sur ce, il entra à lintérieur de la maison. Shion me minvita à masseoir avec elle à lombre des arbres et je la suivis volontier. Me retrouver à lextérieur me faisait le plus grand bien, dautant plus que le terrain était complètement entouré dune haute clôture qui préservait lintimité familiale de la résidence. Avec un sourire, ramenant sa longue chevelure dans son dos, Shion me dit:

-Tas tout les talents, toi!

-Bof... répondis-je dans un haussement dépaules. Jai appris le piano quand jallais à lécole, jai toujours été un sportif... avant cet accident, dois-je spécifier... et jai découvert le dessin lors de ma convalescence... Pour ce qui est du chant, jai fait la chorale à tous les ans à Noël dès lâge de cinq ans jusquà mes dix-sept ans, cest à dire jusquau jour ou jai réalisé que les cantiques nétaient pas vraiment de mon genre...

Ma remarque la fit rire, mais elle prit alors une expression gênée et elle dit:

-Patrick, je tiens à mexcuser de mon comportement dhier soir. Je ne sais pas ce qui ma prise dagir ainsi...

-Bah! Tu voulais tamuser, non? Il y avait toute une ambiance hier au Bistro, tu nes pas la première qui vole quelques gorgées dalcool dans le verre de son père...

-Je ne parlais pas de ça... dit-elle, mal à laise.

-Ah..., répondis-je en me souvenant de ce qui sétait passé la veille quand elle avait voulu me “border”....

-Quand jai fait la bêtise de te déshabiller...

Jeus un petit sourire et je lui dis:

-Tu nas pas à ten faire, Shion. Tu ne mas pas offencé.

-Nempêche, je navais pas le droit de faire ça... Jétais ivre, mais ça nexcuse pas mon geste.

-Shion, puisque je te dis que je ne ten veux pas! Ce nest pas grave. Il faut bien que je finisse par accepter que jai lair de Mr Stitch...

-Qui c'est celui-là?, me demanda-t-elle, intriguée.

-Cest un personnage dun film dhorreur, un véritable navet... Le titre anglais, cest Mr Stitch... En français, ça sappelle 88 visages. Cest un espèce de montre de Frankenstein constitué de quatre-vingt-huit personnes différentes... Trop long à expliquer.

Après un bref silence, elle me demanda:

-Quas-tu voulu dire tout à lheure quand tu avais un talent pour avoir le coup de foudre pour les mauvaises personnes?

Jhésitai un long moment avant de répondre. Je ne voulais pas resortir le discours du je-suis-trop-laid, mais tout sy rapportait.

-Parce que cest vrai, répondis-je dans un haussement dépaules. Il marrive de tomber amoureux dune personne et cette personne ne partage pas les mêmes sentiments...

-Cest arrivé souvent?

-Beaucoup trop souvent à mon goût.

-Cest arrivé récemment?

-Tu es curieuse..., dis-je ne me forçant a sourire.

-Cest ce qui est charmant chez moi!, répliqua-t-elle en ne faisant un clin doeil. Allez, dis-moi!

Je soupirai, réalisant que je ne pourrais pas men sauver...

-Eh oui... Ça mest arrivé récemment.

-Je le savais!, dit-elle, triomphante. Allez, cest qui?

-Tu es trop curieuse, Shion...

-Non, allez dis-moi cest qui??, dit-elle dun ton insistant.

-Je préfère taire son nom pour éviter de mettre cette personne dans lembarras...

-Cest quand même pas ma mère?, dit-elle, faussement indignée.

-Non, Yukari-san est mariée et je ne veux pas faire affront à Maître Sora.

-Cest moi?

-Désolé, mauvaise réponse, répliquai-je en souriant.

-Masahiko?, me demanda-t-elle dun air malicieux.

-NON!, mempressai-je de répondre.

-Cest Hiromi, alors?

-Cest lune des assistantes, mais je ne te le dirai pas.

-Kazuko?, demanda-t-elle, incertaine. Elle est mariée, je te signale...

-Jai lair de quelquun qui est attiré par un char dassaut vêtu dune robe?

Shion pouffa de rire et, me scrutant du regard, elle finit par dire:

-Tinquiète, je découvrirai bien qui cest! Je te verrai bien avec Hiromi ou Makoto...

Voyant que je ne disais toujours rien, les yeux fixés vers le ciel, elle appuya sa tête contre mon épaule et elle dit, dun ton aguichant:

-Si tu me le dis, je garderai le secret. Je pourrais peut-être taider, qui plus est!

-Shion, je préfère ne rien dire... Cette personne semble être attirée par quelquun dautre, de toute façon. Alors tu vois, je ne veux pas mimposer dans la vie de qui que ce soit.

-Tu es sérieux, ou cest encore un stupide complexe à cause de ton apparence?

-Un peu des deux...

-Patrick, tu nes pas laid!

-Shion, tu es très gentille, mais sérieusement, si tu avais le choix entre un bel homme à la peau parfaite, au physique avantageux et à la démarche sûre, et quelquun comme moi, honnêtement, lequel choisirais-tu?

Elle soupira et elle dit:

-Tu penses que jaurais honte si javais un petit ami comme toi?

-Je ne parle pas de honte, mais disons que tu finirais par te lasser des regards...

-Tu ne me connais pas encore... Moi je ne te vois pas comme un Mr Stitch, comme tu tappelles, mais comme un survivant. Je serais fière si javais un survivant comme toi pour petit ami...

Un survivant? Eh oui, jai survécu, mais à cette époque, jaurais préféré être mort. Je nen dit rien à Shion, de peur de devoir me faire sermonner à nouveau, et je me contentai de fixer le ciel dun bleu clair.

-Patrick?

-Oui?

-Pourquoi tes aussi amer?

-Je suis amer, moi?

-Oui. Tu sais jai peut-être seulement dix-sept ans, mais disons que le mode de vie particulier que jai eu jusquà aujourdhui ma donné une maturité précosse qui ma aidé à voir au-delà des apparences. Tu es gentil et attentionné avec les autres, tu sais divertir les gens autour de toi et je suis certain que cette année quon va passer en ta compagnie sera tout sauf ennuyeuse... Pourtant, tu sembles te détester, malgré tous tes talents. Tu es amer avec la vie... Envers toi...

-Amer... Aigri... Choisis le terme que tu veux, cest assuré quil me collera à la peau comme une sangsue. Si je navais pas été dans les parrages quand cette bombe a explosé...

-Tu ne serais peut-être pas ici...

-Masahiko me la déjà faite celle-là.

-Peut-être devrais-tu commencer à y croire?

-Peut-être...

-Je ne te force pas à te confier à moi, mais si tu as envie de parler...

-Je sais, je te remercie...

Eh puis merde! Je poussai un long soupir, puis je décidai de tout lui dire.

-Cette petite assistante mest arrivée en pleine figure comme un coup de poing sur la gueule. Elle ma ensorcellé et elle ma volé mon coeur. Elle ma semblé être attirée par moi, mais pauvre crétin que je suis! Je lai entendue parler avec ta mère ce matin dans la salle à manger... Elle parlait de ce bel homme qui la foudroyée de sa belle apparence... Je peux me limaginer, ce bellâtre: aucune cicatrices, la démarche sûre...

-Peut-être que Makoto parlait de toi... Peut-être quelle ne les voit pas, tes cicatrices...

-Peut-être... Hé! Comment tas deviné que cétait delle que je parlais?

-Il fallait être aveugle pour ne pas voir comment vous vous regardiez tout le temps hier... Je la connais depuis longtemps et je peux te dire que jamais je nai vu pareille expression sur son visage quand elle regardait quelquun.

-La vie serait trop belle... Je noserais pas espèrer...

-Justement, cest peut-être pour ça que tu es aussi amer...

-Tu ne sais pas ce que cest que dêtre aussi défiguré... Jai été rejeté trop de fois pour maccrocher à lespoir que quelque part, il y aie une place pour moi dans le pays du bonheur...

-Cest à toi de voir si tu veux vraiment une place dans ce “pays”...

Sur ce, elle se leva et partit en direction de la maison. Tandis quelle séloignait, je me surpris à me demander si elle navait pas raison...

Avais-je malgré moi tendance à mapitoyer sur mon propre sort?

Chapter 8 :: La Visite de Mr Tatsumi

Published: 26-11-09 - Last update: 26-11-09

Comments: Un épisode un peu plus léger, avec une petite surprise à la fin...

Cétait laprès-midi et je me trouvais au salon avec Yukari et Shion, leur montrant mes dessins, lorsquon claqua la porte dentrée sans ménagement. Nous eûmes un sursaut et nous échangeâmes un regard intrigué.

-Masahiko?, demanda Yukari, inquiète.

Silence... Puis, le bruit dun sac à dos quon jetait par terre.

-Masahiko est absent, laissez un message après le foutu bip sonore!, répondit le jeune homme dun ton irrité, alors quil sapprêtait à gravir lescalier.

-Quest-ce qui se passe? Demanda Yukari. Pourquoi tu as lair fâché?

-Je reviens dans deux minutes!, répondit Masahiko dun ton pressé, comme sil cherchait à se sauver.

Shion eut alors une expression malicieuse qui navait rien de rassurant et elle se précipita vers le vestibule dou on lentendit pouffer de rire, puis Masahiko sexclama:

-Shion, laisse-moi tranquille!

-Viens nous montrer combien tu es JOLIE!

-Non! Jai dit non!, répliqua Masahiko dun ton rageur. SHION LÂCHE-MOI TOUT DE SUITE!!!

Amusé, jéchangai un regard intrigué avec Yukari alors que retentissait un bruit de lutte, puis nous vîmes Shion apparaître dans lembrasure de la porte. Elle poussa son cousin à deux mains dans le dos pendant que ce dernier essait désespèrément de mettre les freins, les deux talons plantés sur le sol. Ce fut peine perdue: quand il sut quil était exposé à nos regards, Masahiko cessa de résister et il laissa sa cousine le pousser jusque devant nous, lair résigné. Je compris enfin pourquoi il refusait de se montrer à nous: il était vêtu dune chemise sans manches rose, dune jupe noire courte et portait des bas de nylon couleur chair. Jeus peine à reconnaitre mon ami tant le maquillage de qualité professionnel et la coiffure quil arborrait le changeaient de manière phénomenale. Il aurait pu être lune des assistantes de son oncle! Apparament, il nétait pas enchanté dêtre vu ainsi et cest avec une profonde gêne quil me regarda avant de baisser les yeux, son visage rougissant.

Yukari le regardait en hochant la tête, un petit sourire aux lèvres, alors que Shion, lui barrant la sortie et lui interdisant toute possibilité de fuite, me regarda, lair satisfaite, en disant:

-Patrick, je te présente Masami, ma cousine.

-Tais-toi, Shion! Répliqua Masahiko, les dents serrées.

-Ils ont fini par tavoir, cest ça? Demandai-je, souriant malgré moi.

-Quelle clairvoyance!, répliqua Masahiko en venant sasseoir à côté de moi.

Lair contente delle, comme si elle tirait une grande fièreté de mettre son cousin dans un tel embarras, Shion, les mains croisées derrière son dos, dit dun air taquin:

-Alors, tu auras combien de scènes de baisers avec Ejima cette fois-ci?

Masahiko adressa à sa cousine un regard noir, resta silencieux et croisa ses bras sur sa poitrine. Je passai une main dans mes longs cheveux et, incapable de détacher mon regard de mon ami, je dis:

-Dois-je en conclure que finalement, il y aura beaucoup de scènes de baisers avec Ejima?

-On ne peut rien te cacher... Répondit-il avec dédain. Après un court silence, il me demanda: Quest-ce que tu as à me regarder comme ça??

-Oh rien, répondis-je dans un haussement dépaules. Je te trouvre juste... jolie...

Yukari ne put réprimer un petit ricannement quelle tenta tout de même de dissimuler derrière sa main et Masahiko sembla senfoncer davantage dans les coussins du sofa. Lair maussade, il maugréa:

-Lee et Ejima mont coincé!

-Et comment, je te prie? Demanda Shion, malicieuse.

Masahiko hésita un long moment et il dit:

-Encore et toujours cette stupide vidéo quils ont fait de moi dans la douche quand ils ont cru que cétait toi quils filmaient!

-Pardon?, demanda Yukari en cessant de rire brusquement. De quoi parles-tu, Masahiko?

Ce fut Shion qui raconta en quelques mots ce qui sétait passé: Apparament, elle avait tourné un film étudiant nommé The Night Leopardess et Lee avait voulu lui faire tourner une scène de nu, mais elle avait refusé. Après le dernier jours de tournage, elle avait voulu aller prendre une douche, mais elle avait décidé dattendre et cest Masahiko qui avait pris sa douche dans la salle de bain ou Lee et Ejima avaient installés des caméras, croyant quils allaient avoir leur scène de nu avec Shion... Ils ont déchanté quand ils se sont rendu compte quils avaient filmé Masahiko... Et ils sétaient servi de cette cassette en guise de chantage pour persuader ce dernier de se joindre au Club Ciné de son Université.

Si Yukari parassait scandalisée en entendant sa fille raconter cette histoire, de mon côté jétais franchement en colère. Serrant les dents, je maugréai:

-Si jamais je mets la main au collet de cet imbécile de Lee, je lui fait avaler sa stupide casquette de producteur à la noix! Cest illégal ce quil a tenté de faire!

Masahiko me regarda avec appréhension et il dit:

-Justement, tu pourrais avoir ta chance, mais ce serait mal avisé de lui faire bouffer sa stupide casquette de producteur à la noix, comme tu dis.

-Et pourquoi, je te prie? Demandai-je, toujours révolté à lidée quun universitaire avait tenté de filmer une mineure dans sa douche.

-Parce que ce fameux film quil veut que je fasse a un personnage de Yakuza et il souhaiterait que tu endosses ce rôle...

Jeus un mouvement de recul, incrédule à cette idée, et je regardai tour à tour Shion, Masahiko et Yukari, avant de dire:

-Tu te moques de moi, jespère?! Moi, jouer le rôle dun Yakuza?! Il est timbré, ou quoi? Je suis même pas Japonnais!!

-Non, je ne me moque pas de toi, répondit Masahiko avec un certain amusement dans la voix. Il était très sérieux. Il trouve que tu as la tête de lemploi.

-Je men vais lui en faire une tête au carré, oui!, mexclamai-je avec véhémence. Il nest pas question que je joue dans son film! Il na pas arrêté de me regarder de travers quand je suis arriver hier, et lautre con dEjima avait lair de penser que je venais de débarquer dune autre planète!

Yukari posa une main sur mon épaule, lair inquiète à cause de ma réaction. Elle pensait peut-être que jaillais retrouver Lee et Ejima pour leur règler leurs compte, idée qui me séduisait royalement il va sans dire!

-Pas question! Dis-je dun ton catégorique. Je ne suis pas venu ici pour jouer dans un film, je suis ici pour suivre un stage avec Maître Sora! Il nest pas question que je revienne sur ma parole!

On sonna à la porte et Shion sempressa daller ouvrir. Masahiko posa une main sur mon épaule et il dit:

-Personne ne toblige à participer, tu sais. Je nétais pas daccord non plus parce que je sais que tu as certains problèmes avec ton apparence, mais dun autre côté, jai lu le script et je peux tassurer que je ne verrais personne dautre pour ce rôle.

-Cest ça, je ne coûterais pas cher de maquillage, cest ce que tu es en train de dire?

-Non! Répondit Masahiko avec empressement. Pas du tout!

Il avait parlé avec une drôle de voix, presque féminine... Lorsquil sen aperût, il plaqua ses mains sur sa bouche et sa tante prit la relève:

-Patrick , écoute: le fait que tu aies une chance de jouer dans un petit film étudiant ne signifie pas que tu manqueras à tes engagements envers Sora. Je suis certaine quil sera enchanté quand nous lui en parlerons.

-On naura rien à lui parler parce quil est hors de question que je joue dans ce film! Répondis-je dun ton sans réplique.

Shion revint dans la pièce, un large sourire aux lèvres, et elle dit dune voix enjouée:

-Devinez qui vient nous rendre visite!

Un jeune homme, vêtu dun jean, dun tee-shirt et dune chemise (tout en noir) trop ample pour lui entra dans la pièce. Ses cheveux bruns clairs étaient longs et retombaient sur ses épaules et couvraient son visage. Les mains dans les poches, il avait ce petit air rebel et désinvolte quont les adolescents qui entrent à lâge adulte. En le regardant plus attentivement, je remarquai que les traits de son visage étaient délicats, presque féminins.

Le jeune homme fut accompagné dun homme plus âgé, un véritable géant. Costaud et large dépaules, il portait un habit trois pièces blanc et une chemise noire. Ses cheveux étaient plus courts, noirs, et il portait une barbe de deux ou trois jours. Je remarquai quil avait une cicatrice au-dessus de loeil droit. Il avait la démarche sûre et arborait un air sévère, mais lorsquil entra dans la pièce, son visage séclaira dun large sourire.

Yukari se leva, apparament contente de les voir, et elle dit:

-Mr Tatsumi! Kaoru! Quelle belle surprise!

-Yukari, vous ètes toujours aussi jolie!, répondit le géant dune voix profonde en donnant à Yukari un baise-main.

-Salut, Tante Yukari, répondit le jeune homme dune voix basse, comme sil cherchait à rendre sa voix plus grave quelle ne létait en réalité.

-Kaoru, je suis très contente de te revoir! Dit Yukari en serrant le jeune homme dans ses bras.

Se tournant vers moi, Mr Tatsumi me regarda dun air intrigué et il dit:

-Qui est ce jeune homme? Cest la première fois que je le vois ici, non?

-Ouais, qui cest ce type?, demanda Kaoru et entourant les épaules de Shion de son bras. Un autre clodau que vous avez ramassé dans la rue?

-Je ten foutrai, moi!, répliquai-je, piqué au vif.

Déjà que je nétais pas dhumeur à ce que me cherche des poux dans la tête, javais pas besoin quun jeune effronter vienne minsulter par-dessus le marché!

-Kaoru, dit Tatsumi en regardant son fils, sur un ton de reproche, surveille ton langage.

Le géant sapprocha de moi et moffrit une solide poignée de main en ajoutant:

-Il faut pardonner à Kaoru son impétuosité, il a tendance à être familier avec tout le monde. À qui avons-nous lhonneur?

-Il sappelle Patrick Decker et il est ici pour un an, dit Masahiko en se levant. Il va suivre un stage avec mon oncle.

Mr Tatumi eut alors une drôle de réaction en voyant Masahiko. Du coup, jai pensé quil serait troublé de voir ce dernier vêtu en fille, mais je me souvins quil avait été trés épris de “Masami”...

Kaoru laissa échapper un petit sifflement en dévisageant Masahiko de la tête aux pieds et il dit, lair badin:

-Alors, tu y a finalement pris goût? Ça ta été bénéfique de laisser tomber cette chipie de Asaoka!

-De quoi tu parles?, demanda Masahiko avant de réaliser ce à quoi Kaoru faisait référence.

Il sursauta et remarqua enfin que Mr Tatsumi le regardait avec un drôle de sourire. Lair profondément embarassé, Masahiko tenta de se faire discret et Mr Tatsumi sembla sortir de sa transe. Se râclant la gorge, il dit:

-Kaoru est venu chercher ses dernier cartons, alors jai pensé profiter de cette occasion pour venir vous dire bonjour.

-Cest très gentil de votre part, répondit Yukari en souriant. Shion, tu veux bien aider Kaoru?

-Avec plaisir! Répondit cette dernière avant de sortir de la pièce, suivie par Kaoru.

Mr Tatsumi sassit sur fauteuil en face de moi et il me demanda:

-Alors, tu viens dou?

-De la province du Québec, au Canada, répondis-je.

Tout dun coup, je me sentis plus à laise avec lui. En dépit de son allure de dur à cuir, il métait sympathique. Quelque chose émanait de lui, une certaine attitude, (ou une aura, appelez ça comme vous voulez), qui faisait peur à certains mais qui invitait à la confidence pour dautres.

-Tu as fait un long voyage pour venir ici, et tout ça pour suivre un stage de Mangaka?

-Oui, répondis-je. Jai pris conscience que je savais dessiner lors de ma convalescence.

-Convalescence? De quoi tu parles? Tu as eu une maladie grave?

-On peut dire ça, si vous considèrez comme une maladie une voiture piègée qui vous explose à la figure et qui laisse des traces sur votre visage et le reste de votre corps.

Mr Tatsumi éclata de rire et il dit:

-Tu es très drôle, toi! Il me plaît, ton copain! Ajouta-t-il en se tournant vers Masahiko.

-Il gagne à être connu, répondit ce dernier, mal à laise devant le regard pénétrant que lui adressait le Yakuza.

-En tout cas, il sait jouer et chanter, intervint Yukari avec une certaine fièreté, comme si elle cherchait à vanter mes quelques talents de musicien.

-Ah? Je serais curieux dentendre ça, dit Mr Tatsumi en se penchant vers moi, lair intéressé. Tu joues de quel instrument?

-Piano et guitare, mais le piano est mon instrument de prédilection, répondis-je avec un sourire. Hier, jai joué quelques chansons avec un groupe amateur et jai eu un certain succès.

-Tu es trop modeste, Patrick, répliqua Masahiko avec un sourire. Tu as fait danser presque tout le monde quand tu chantais!

-Il faut absolument que tu me montres ce que tu sais faire, dit Tatsumi, toujours penché vers moi, prenant soudain des airs dhomme daffaires. Je connais quelques personnes dans le milieu qui pourraient taider à te faire connaitre. Tu nas quun mot à dire et je moccupe de tout! Je serai ton agent!

Jeus un sursaut et, nosant croire ce que je venais dentendre, je dévisageait Tatsumi quelques secondes en silence avant de dire, un peu embarrassé:

-Cest très généreux de votre part, Mr Tatsumi, mais je ne pense pas avoir létoffe dune star de la chanson...

-Ridicule! Répliqua le Yakuza dun geste impatient de la main. Si les Wakanaé disent que tu as du talent pour la musique, alors je les crois sur parole!

-Peut-être bien, mais... balbutiai-je, mal à laise.

-Écoute, je possède un petit piano bar dans le quartier de Kabukicho. Voilà ce que je te propose: Tu viens y jouer quelques chansons, et si tout va bien, on discutera des procédure pour te faire rencontrer mes contacts...

-Je ne suis pas ici pour enregistrer un album, Mr Tatsumi, mempressai-je de dire en levant les mains à la hauteur de mes épaules.

-Cest décidé!, répliqua-t-il dun ton sans réplique, levant un doigt autoritaire devant moi. Tu viens chanter dans mon bar demain soir! Je moccupe de préparer le terrain pour toi!

-JE PEUX EN PLACER UNE OUI?!, mexclamai-je avec une soudaine véhémence.

Tatsumi, eut un mouvement de recul et Masahiko et Yukari me regardèrent, incrédules. Réalisant que je venait de gueuler sur un Yakuza, chose que je sentais que jallais regretter, je mempressai de dire, la voix chevrotante:

-Mr Tatsumi, je mexcuse de vous avoir crié dessus, mais voilà: sachez que japprécie tout lintérêt que vous me portez et je vous remercie de vouloir vous montrer aussi généreux avec moi, mais le fait est que je suis un homme dhonneur. Je suis convaincu que vous savez de quoi je parle quand je dis ça. Jai pris des engagements avec Maître Sora et je ne peux pas me laisser distraire par une carrière de chanteur qui risque dêtre éphémère... Je suis venu ici pour perfectionner ma technique de dessinateur, non pas pour faire carrière dans la chanson. Je vous remercie encore une fois, mais je me vois dans lobligation de décliner respectueusement votre offre.

Mr Tatsumi me dévisagea un long moment en silence, une expression dure sur le visage, puis il prit un air résigné et il dit:

-Jimagine que si tu as pris dautres engagements, je ne peux pas ten détourner. Je respecte énomément les personnes qui tiennent parole et qui ont de lhonneur. Je ne te cache pas que je suis très déçu que tu refuses mon offre, mais japprécie ton honnêteté.

-Je vous assure que je ne désire pas vous offenser...

-Pas du tout!, répliqua Mr Tatsumi en riant, naie crainte, il en faut plus pour moffenser! Sache cependant que mon invitation tient toujours! Je veux que tu viennes jouer dans mon bar demain soir!

-Cest daccord, dis-je en tendant la main.

Il la serra à nouveau avec fermeté et il regarda sa montre.

-Il est presque lheure du souper..., dit-il. Il faudrait que Kaoru se dépèche de récupèrer ses cartons.

-Je vais aller voir ce quils fabriquent, dit Yukari en se dirigeant vers lescalier, me laissant seul avec Mr Tatsumi qui regardait Masahiko avec un petit sourire en coin.

Nous restâmes ainsi en silence pendant un long moment, puis le Yakuza dit, dune voix étrangement douce:

-Masami, tu mas manqué, tu sais?

Masahiko sursauta comme sil avait été aspergé deau glacée et il regarda le Yakuza, lair pris au dépourvu. En croyant à peine mes oreilles, je dévisageai le collosse qui soudainement se précipita à genoux, aux pieds de Masahiko et, prenant les mains de ce dernier dans les siennes, il dit:

-Je tinvite à venir dîner avec moi ce soir! Je te prie daccepter! Tu me manques, cest plus fort que moi! Saki est sortie de ma vie pour de bon, Kaoru a trouvé sa place dans mon foyer et a une amie de coeur, il ne reste plus que moi qui suis seul! Masami, je taime, je veux passer le reste de ma vie avec toi!

Chapter 9 :: LES SOUCIS DE SHION

Published: 07-12-09 - Last update: 07-12-09

Comments: un autre chapitre qui parle un peu plus des sentiments de Shion pour Masahiko, mais pas trop... et on apprend qui est la petite amie de Kaoru... un chapitre bien tranquile, mais qui vaut la peie d'être lu...

On peut dire une chose de Mr Tatsumi: il est fort!

Comment a-t-il pu réussir à convaincre Masahiko daccepter son invitation à aller dîner au restaurant avec lui, sous les traîts de Masami, cest au-dessus de mes capacités de compréhension. Je navais pu détacher mon regard incrédule de ce spectacle particulier: un Yakuza format géant agenouillé devant un jeune homme habillé en fille (contre son gré), le suppliant de laccompagner dans une soirée romantique dont lissu était très prévisible...

Kaoru parut amusé quand il revint au salon, accompagné de Shion, comme son père venait de quitter la résidence, accompagné de Masahiko, et que je leur racontai ce qui venait de se passer.

-Mon père est tout un numéro!, avait ricanné Kaoru en se laissant tomber sur le sofa. Mais maintenant il y a un petit problême: jétais venu avec mon père pour ramasser mes affaires... Sil est parti avec la voiture, je ne peux logiquement pas trimballer tout ça à pieds...

-Tu nas quà rester pour souper, avait dit Yukari en haussant les épaules.

-Merci, mais y a quelque chose dembêtant! Javais rendez-vous avec ma petite amie...

-Elle na quà venir te rejoindre. Plus on est de fous plus on rit!

Cette Yukari était vraiment dune générosité sans borne! Alors quelle sen allait à la cuisine pour préparer le repas, je remarquai que Kaoru me dévisageait, un petit sourire aux lèvres, puis il finit par me demander:

-Serais-tu par hasard un futur assistant de Sora?

-Non, je suis ici pour un stage, pourquoi tu le demandes? Demandai-je, soupçonneux.

-Parce que je timagine mal portant une robe et des talons hauts... Disons que le résultat est assez particulier avec Susumu et Kazu... Et avec la gueule que tu as...

Je réagis comme si un dard mavait piqué:

-Quest-ce quelle a ma gueule? Elle te répugne?...

-Cest pas ce que jai voulu dire... Je te juge pas...

-Tu parles de ma gueule, mais la tienne? Tas lair dun gars, mais plus je te regarde, plus je trouve que tu as lair dune fille déguisée!

Kaoru perdit son sourire désinvolte et il soupira rageusement. Se penchant vers moi, il dit:

-Fais gaffe à ce que tu dis, quand même! Sora a été mon mentor durant mon cheminement pour devenir un homme, alors minsulter cest linsulter lui!

-Jai vu juste, alors?

Son regard froid et son silence furent éloquents. Si un couple pouvait échanger leurs rôles, alors pourquoi une fille ne pourrait-elle pas devenir un homme? Je fis un petit sourire narquois et je me tournai vers Shion. Elle se tenait devant la fenêtre du salon, silencieuse, les bras croisés sur sa poitrine, lair soucieuse. Elle regardait à lextérieur, tapant du pied, et semblait ne pas avoir remarqué le petit échange entre Kaoru et moi.

-Shion?, dis-je. Quelque chose ne va pas?

Elle ne me répondit pas, comme si elle ne mavait pas entendu. Je répétai ma question, toujours pas de réponse. Kaoru et moi échangeâmes un regard intrigué, haussant les épaules, et je dis:

-Ton père court depuis longtemps après Masahiko comme ca?

-Je ne sais pas exactement. Ça fait un bail, en tout cas...

-Et le fait que “Masami” soit un homme ne semble pas le déranger...

-Jai renoncé à essayer de comprendre la sexualité de mon père depuis longtemps, répondit Kaoru en ricannant. Si tu veux bien mexcuser, je vais téléphoner à ma copine.

Il se leva et alla à la cuisine. Jen profitai pour me lever à mon tour et je mapprochai de Shion. Elle remarqua à peine ma présence lorsque je lui demandai:

-Quest-ce qui ne va pas? Depuis que vous ètes redescendus tu nas pas dit un mot et tu es restée plantée là comme un piquet.

-Ce crétin se met toujours dans des situations embarassantes et cest toujours moi qui finit par len sortir!, répondit-elle dune voix étrangement étouffée.

Sur ce, elle fit volte-face et quitta la pièce dun pas raide, les poings serrés. Je la suivis du regard et elle bouscula Kaoru sans ménagement alors quil revenait au salon.

-Hé!, sexclama-t-il, outré. Regarde un peu ou tu marches!

Il la regarda séloigner, puis il revint sasseoir aur le sofa, lair boudeur.

-Un drôle de numéro cette fille, tu ne trouve pas?, dit Kaoru en levant les yeux vers moi.

-Quest-ce que tu veux dire?, demandai-je en me rasseyant à ses côtés.

-Elle pourrait avoir nimporte quel gars de son choix (et je connais même quelques filles qui se laisseraient tenter), mais elle en pince pour lui, et il est trop stupide pour voir lévidence...

-Tu pourrais être plus clair?, demandai-je tout en sachant ou il voulait en venir. De qui tu parles?

Kaoru madressa un sourire moqueur et il dit:

-Je te laisse le soin de le découvrir par toi-même. Dis, je mexcuse si je tai offencé, tout à lheure. Cétait pas mon intention.

-Je sais bien, répondis-je, un peu gêné. Jai pas voulu être hostile, mais depuis que je suis arrivé ici, jai été sans cesse dévisagé... Ma réaction tient plus de lexaspération que de lhostilité... Si tu savais comment je déteste mon visage...

-Pourquoi? Tu as vu de quoi mon père a lair, non?

-Oui, mais il y a une petite différence: lui cest un colosse, moi non. Jamais il ne me viendrait à lidée de chercher des poux dans la tête de quelquun comme lui. En plus, il peut se tenir debout sans canne, ce que je ne peux faire trop longtemps.

Après un court silence un peu gêné, il dit:

-Changement de sujet: Shion ma dit que tu étais musicien?

-Tu ne vas quand même pas me demander de faire un disque toi aussi, soupirai-je.

Kaoru éclata de rire et il dit:

-Non, pourquoi?

-Ton père a voulu être mon agent...

-Ah, Tatsuya est comme ça. Sil ta fait une telle offre, cest quil taime bien. Considère-toi chanceux. Il nest pas si gentil avec les étranger, dhabitude.

-Il veut que jaille jouer dans son bar demain soir. Est-ce que tu joues de la musique?

-Oui, si on veut. Cest plutôt le chant qui mintéresse. Je fais partie dun groupe dont les membres sont tous aveugles, mais ils jouent magnifiquement!

-On devrait jouer ensemble un de ces jours... On ne sait jamais... dis-je, sans grande conviction.

Je me demandai alors combien dautres personnes allaient me harceler avec mes “talents” de musicien... Il se passa une demie-heure durant laquelle Kaoru et moi parlâmes de nos vies respectives. Il mexpliqua comment il avait fait connaissance avec les Wakanaé, les raisons pour lesquelles il avait choisi Maître Sora comme mentor dans son cheminement pour devenir un homme, sa réconcilliation avec son père, comment il avait rencontré sa petite amie...

Je lui parlai de mon accident, la chose la plus spectaculaire qui sétait passé dans ma vie. Je lui parlai aussi de mes déceptions amoureuses, de mes projets et de mes ambitions...

Quand on sonna à la porte, Kaoru sy précipita en courant. Quand il revint dans la pièce, il tenait par la taille une jeune femme à lair timide, vêtue dune robe rouge, ses longs cheveux noirs noués en queue de cheval. Elle se peletonnait contre lui et le regardait dun air mielleux. Lorsquelle me vit, elle eut un sursaut et détourna son regard avec empressement, gênée. Je ne men formalisai pas et Kaoru fit les présentation:

-Patrick, je te présente ma petite amie, Akané Fujisaki. Akané, je te présente Patrick Decker. Il va passer un an avec les Wakanaé pour un stage avec Sora-san.

-Enchanté, dis-je en tendant la main vers la jeune femme.

-Moi de même, répondit-elle sans me regarder en me serrant la main.

-Akané est dun naturel timide, mais une fois quelle aura fait ta connaissance, elle sera un peu plus ouverte..., dit Kaoru en souriant tendrement à sa petite amie.

Le couple vint sasseoir à côté de moi et, enlacés dans les bras lun de lautre, ils échangèrent de longs regards qui en disaient long... Et qui me faisaient atrocement envie... Pendant un instant, je me vis à la place de Kaoru, et Makoto occupait la place dAkané. Discrètement, je méclipsai et jallai rejoindre Yukari à la cuisine ou elle saffairait à couper des légumes. En me voyant, elle me demanda:

-Kaoru est sorti?

-Non, sa petite amie est arrivée et jai subitement cessé dexister, répondis-je dans un rire. Les amoureux sont seuls au monde, dit-on... Tu as besoin daide?

-Non merci, je men tire très bien. Tu es notre invité et je men voudrais de te laisser faire mon travail à ma place.

-Pas du tout, protestai-je. Ça maurait fait plaisir, mais je nenvahirai pas ton domaine.

Je décidai de ne pas insister et je décidai daller rejoindre Shion qui sans doutes était montée à sa chambre. Je pris le temps de jeter un coup doeil en passant devant la porte du salon et je vis Kaoru et Akané étroitement enlacés dans les bras lun de lautre, regardant la télé. Je pris mon temps pour monter lescalier et arrivé au bout, je pris quelque secondes pour reprendre mon souffle... Lidée de me remettre à faire du sport pour me remettre en forme effleura brièvement mon esprit tandis que je gravissais lescalier menant à la chambre à coucher de Shion. La pièce était vaste et aérée, décorée de couleurs claires. Je trouvai Shion etendue sur son lit, serrant un oreiller dans ses bras. Sa respiration semblait saccadée, comme si elle sanglotait. Selon toute vraissemblance, elle ne mavait pas entendu pénètrer dans la pièce parce quelle sursauta lorsque je lui parlai:

-Shion? Quelle que chose ne va pas?

Elle sempressa dessuyer ses larmes et elle jeta son oreiller derrière elle, lair gênée. Je massis à ses côtés et elle me regarda, un faible sourire aux lèvres. En dépit des efforts quelle faisait pour le dissimuler, je pouvais voir la profondeur de son chagrin au fond de ses yeux.

-Alors, pourquoi tu pleurais?, demandai-je timidement, conscient que je me mêlais de ce qui ne me regardait pas.

-Je pleurais, moi?, répondit-elle dun air faussement innocent. Je ne pleurais pas, javais seulement une poussière dans loeil.

-À dautres!, répliquai-je, un petit sourire en coin. Tu pleurais, je tai vue.

Son faux sourire seffaça lentement et son menton se mit à tembler. De nouvelles larmes roulèrent sur ses joues et elle détourna son regard, honteuse de se laisser aller devant moi. Je déposai ma canne par terre et je lattirai vers moi. Je létreignis avec fermeté alors quelle laissait libre cours à ses pleurs, son visage enfoui dans mon cou, ses mains serrant le dos de mon tee-shirt. Il lui fallut plusieurs minutes pour se calmer et lorsque ses larmes cessèrent enfin, elle put enfin parler:

-Je comprends ta douleur et ta peine quand tu dis que tu as eu le coup de foudre pour les mauvaises personnes! Ça mest arrivé à moi aussi et je sais combien on peut souffrir quand on aime sans être aimé de la même façon en retour!

Je caressai ses cheveux avec douceur et je la laissai reprendre son souffle avant de lui demander:

-Qui est linconscient qui a laissé passer la chance davoir une petite amie aussi extraordinaire que toi?

-Il sappelait Mitsuhiro. Tu le connais.

-Jen doute, je viens darriver...

-Mitsuhiro était le nom masculin de Hiromi...

Jeus un mouvement de recul, complètement pris au dépourvu par cette réponse, et voyant mon air ahuri, elle eut un pâle sourire avant de dire:

-Cétait avant quil devienne ce quil est aujourdhui.

Elle se défit de mon étreinte, mais resta pelotonnée contre moi, sa tête reposée contre mon épaule.

-Jétais jeune à lépoque, au début de ladolescence. Il était venu demander à mon père de le prendre sous son aile. Mon père a accepté et peu à peu, il sest taillé une place dans mon coeur de jeune fille... Mon premier amour... Il était très gentil, très attentionné... Jai cru quil partageait en silence les sentiments que jéprouvais pour lui, mais jai eu la surprise de ma vie quand je lai vu, ce fameux soir de Noël... Comme les autres assistantes de mon père, qui étaient des hommes auparavant, il est devenu une femme.

Elle fit une pause pendant laquelle mon cerveau marchait à vive allure. Les paroles de Kaoru prennaient leur sens, maintenant... Voilà pourquoi il disait mal mimaginer en robe... Je navais jamais ressenti le besoin de me travestir, ni de changer de sexe. Or, tous les hommes qui étaient passés dans le studio de Maître Sora avaient “changé de sexe”. Je repoussai vivement cette éventualité et Shion poursuivit:

-Jignore pourquoi je me sens aussi mal quand Masahiko sort avec dautres personnes et quil ne minvite pas... Bien souvent, cest pour des réunions du club ciné, mais quand cest des occasions comme ce soir...

-Est-ce que Masahiko est gay?, demandai-je.

-Non, il a clairement spécifié quil ne létait pas. Tu aurais dû le voir quand il est arrivé dans cette maison. Il a éprouvé beaucoup de difficulté à sadapter au mode de vie de mes parents, mais il y est parvenu. Il a aussi clamé avec véhémence quil naimait pas se travestir, mais Lee est un gars entêté et un peu maître chanteur sur les bords, alors...

-Mais ça ne tempêche pas de le taquiner, non?

-Ouais...

-Shion, serais-tu amoureuse de Masahiko sans même ten rendre compte? Ou est-ce parce que tu as peur de tes sentiments que tu refuses de te les avouer?

Elle haussa les épaules et elle prit un mouchoir pour éponger ses larmes. Elle resta silencieuse quelques secondes avant de se tourner vers moi et me demander:

-Est-ce que je peux compter sur ta discrétion?

-Absolument. Tu as été assez gentille pour me laisser te confier mes petits soucis amoureux à propos dune certaine personne, tu peux compter sur moi pour garder le silence. Je resterai muet comme une tombe.

-Merci, me dit-elle en me serrant dans ses bras, puis elle déposa sur mes deux joues un baiser amical qui me fit chaud au coeur.

Nous échangeâmes un sourire et un peu mal à laise, je lui demandai:

-Que sais-tu de ce Tatsumi? À part le fait que ce soit un Yakuza...

-Cest un drôle de bonhomme, en fait, répondit Shion avec un drôle de sourire. Parfois il peut être très charmant, dautre fois il peut se montrer très effrayant. Il a essayé de changer Masahiko en Masami pour vrai, mais il nest jamais parvenu à ses fins. Il a tenté par tous les moyens de faire en sorte que mon cousin devienne une femme, mais Masahiko a toujours été capable de résister... Jusquà maintenant...

-Tu crois sérieusement que Masahiko pourrait succomber?

-Tous les hommes qui sont passés ici ont soit quitté pour ne plus jamais revenir, soit ils sont restés et sont devenues des femmes... Peut-être que Masahiko est seulement plus difficile à “convertir”...

-Je ne le pense pas, Shion. Masahiko na pas la mentalité dune femme. Je sais reconnaitre ce genre de choses. Il restera tel quil est.

Comme elle ne répondait pas, je létreignis à nouveau brièvement. Nous restâmes ainsi serrés lun contre lautre longtemps, plongés dans un silence de calme et de détente, et pour la première fois depuis très longtemps, je me sentis vraiment à ma place là ou jétais...

Chapter 10 :: Rencontre au Club Cinéma

Published: 15-07-10 - Last update: 15-07-10

Comments: Après une trop longue absence au cours de laquelle j'ai du consacrer toutes mes énergies à règler des problemes personnels, je suis de retour avec un nouveau chapitre de Family compo. Un chapitre plus léger, plus drôle, aucours duquel certains événement feront changer le fameux Lee (Director) son fusil d'épaule... Bonne lecture en esp`rant que vous retrouverez l'intérêt de me lire:)

Javais lintention de faire de sérieuses mises au points avec Lee, mais ce qui se passa ce jour-là dépassa mes espérances les plus folles...

Tout a commencé après le souper de la veille, pendant que Masahiko était sorti (bien malgré lui) avec Mr Tatsumi. Nous venions de nous installer au salon afin de continuer la conversation que nous avion commencée lors du repas quand la porte dentrée fut ouverte puis fermée sans ménagement. Ce fut un Masahiko apparament très contrarié qui apparut devant nous, toujours habillé en Masami, lair plus mécontent que jamais. Sans prendre la peine de nous saluer, il jeta un regard mélangeant colère et exaspération sur Kaoru et il dit, dun ton peu amical, tout en désignant la porte du pouce dun geste sec:

-Toi! Ton père tattends dehors! Dépêche-toi de lemmener très loin dici avant que je ne fasse un malheur!!

Kaoru eut un petit sourire malicieux et, se levant, il nous salua tous, puis, accompagné dAkané, il nous quitta sans adresser un regard à Masahiko. Ce dernier les regarda sortir puis, se tournant vers moi, il dit:

-Il faut que je te parle. Donne-moi le temps de sortir de cet accoutrement ridicule et je te rejoins. Dans ta chambre.

Se tournant vers sa cousine qui le regardait dun étrange air moqueur, il ajouta:

-Sans aucune oreilles indiscrètes, cest clair?

Shion leva les mains dun air innocent, lair de se demander ce dont son cousin pouvait bien vouloir sous-entendre, et Masahiko disparut dans un coup de vent. Maître Sora et Yukari-san échangèrent un regard intrigué pendant que Shion sextirpait du sofa et quelle quittait la pièce en gambadant et en fredonnant. J'eus un haussement dépaules je me levai à mon tour en disant:

-Veuillez bien mexcuser, il apparait quon me demande de façon plutôt impérative...

Maître Sora, qui cachait à peine son fou rire, dit:

-Il ny a pas de quoi sexcuser. Puisque Masahiko prend la peine dêtre aussi impératif, il mapparait impossible que tu puisses tesquiver... Quand vous aurez fini, tu as envie quon se fasse quelques parties de domino?

-Jen serai ravi!, répondis-je avec un sourire. A plus tard alors.

Je quittai la pièce et arrivé au pied de lescalier, jentrepris la pénible tâche den gravir les marches, appuyé sur ma canne. Arrivé tout en haut, je fis une pause pour reprendre mon souffle. Je vis alors Makoto qui sortait de la salle de bain, sa brosse à dents à la main. Nous échangeâmes un bref regard (le sien était toujours empreint de timidité, le mien sans doute embarrassé, allez-savoir pourquoi), puis je lui tournai le dos pour me diriger vers ma chambre à coucher. Avant dy entrer, je jetai à nouveau un regard vers elle et, àma grande surprise, elle me sourit en me faisant un petit salut de la main. Je lui rendis son sourire et répondis à son geste dun hochement de tête. Appuyée contre le câdre de la porte, elle était déjà vêtue de sa chemisette de nuit et semblait prête à se mettre au lit, en dépit du fait quil nétait pas si tard...

Jallais masseoir sur mon lit et pendant que jattendais Masahiko, je regardai dehors. Le soleil sétait couché depuis environ une quinzaine de minutes, selon moi, et le ciel commençait à semplir détoiles. Je neus pas à attendre bien longtemps: Masahiko pénétra dans ma chambre à coucher dun pas rageur en sexclamant:

-Ce taré de Yakuza veut mépouser, bordel!! Il veut que je sois sa femme! Non mais tu te rends comptes?!?!

-Gné??, fut tout ce que je trouvai a dire, incertain davoir bien entendu.

Masahiko, qui avait commencé à faire les cents pas devant moi, sarrêta net et me regarda comme si jétais un demeuré. Il sapprocha de moi et pendant une seconde, jeus labsurde impression quil allait me peler le crâne à grands coups de ma propre canne. Il me saisit par les épaules et il me dit, en détachant chaque syllabes et me secouant légèrement:

-Tatsumi vient de me demander de lépouser. Il est prêt à payer pour toutes les opérations! Tu piges?!?!

Lair gêné, je ne pus quémettre un ricannement niais et mon copain recommença à faire les cents pas devant moi, les mains dans ses poches. Habituellement, je suis plus rapide à la raisonnette, mais je fus tellement pris au dépourvu par ce que venait de me dire Masahiko que je ne trouvais rien dintelligent à dire.

-Désolé..., murmurai-je en mefforçant de ne pas rire, légèrement embarassé.

Masahiko se laissa tomber sur mon lit, découragé, et il dit:

-Jai cru comme un imbécile que Tatsumi avait réalisé que je néprouvais absolument aucun plaisir à me travestir, mais apparament, javais tout faux!

-Que tu aies du plaisir ou non à te travestir, tu dois tout de même avouer que tu fais une fille tout à fait convaincante...

Je venais de gaffer, inconsciemment. Masahiko serra les poings et il me dit, les dents serrées:

-Jai fait ça seulement parce quon ma fait chanter! Jai jamais voulu en faire une vocation, figure-toi! Tout ça cest sorti de lesprit tordu de Lee. Ejima sen est servi comme tremplin pour sa carrière dacteur! Et Shion... Elle sest fait un malin plaisir de mentraîner comme un toutou de cirque!

-Nempêche, tu as lair davoir un don naturel quand tu deviens Masami, dis-je, sans réfléchir.

Dun geste vif, je plaquai mes mains sur ma bouche, mais le mal était déjà fait: Masahiko me regardait dun oeil assassin et tout à coup je me sentis rétrécir à vue doeil. Afin déchapper à la lourdeur de son regard, je détournai la tête. Lorsquil madressa à nouveau la parole, je perçus dans sa voix une pointe de malice:

-Noublie pas que tu as accepté de maccompagner demain à la réunion du club ciné de mon école.

-Je men souviens que trop bien, mais ne timagine pas que je vais me plier aux demande de Lee, il risque dêtre déçu. Dautant plus que jai quelques points à lui mettre sur les “I” en ce qui concerne Shion.

Masahiko sembla se détendre et il madressa un petit sourire. Il se leva et, avant de sortir de ma chambre, il dit:

-On doit y être à la première heure demain matin... La journée risque dêtre longue.

-Ça dépend pour qui, dis-je.

La-dessus il referma la porte derrière lui.


Et cest ici que ça se corse...

Javais planifié un scénario très simple ou jentrais dans le local du club ciné, repérais ce gros plein de soupe de Lee, lisolais dans un coin sombre, rejetais son offre de jouer dans son film à la con et lui expliquais dans les moindres détails pourquoi il était bon pour sa santé quil renonçat à tenter de tourner autre une scène de nu avec Shion, chose qui semblait lobsèder au plus haut point. Il avait affirmé à mon amie quil aurait fait ça artistiquement... Mon oeil!

Mais pour une obscure raison que je ne mexplique pas, ça ne sest pas passé comme prévu. Masahiko et moi sommes entrés dans le local du club ciné, ou une dizaine de personnes étaient déjà rassemblées et discutaient à voix basse. Au fond du local, alors que je cherchais Lee du regard, je repèrai Akané qui me salua énergiquement de la main avant de me faire signe de la rejoindre. Au cours du souper, elle sétait finalement débarassée de sa gêne à mon endroit et était devenue des plus sympa.

-Ou est Lee?, demandai-je à Masahiko dans un murmure alors que nous nous approchions de Akané.

-Je lignore, répondit-il dans un haussement dépaule. Habituellement, il est toujours le premier arrivé étant donné quil est le chef de léquipe. Son retard nest pas habituel...

Jaffichai malgré moi une moue déconfite et Akané me scruta du regard avec attention avant de me demander:

-Quelque chose ne va pas, Patrick-san?

-Tout va bien, Akané, répondis-je en mefforçant dêtre un peu plus jovial. Je pensais que je verrais Lee et Ejima en entrant ici. Jaurais voulu les saluer correctement...

Pendant que je parlais, je pouvais sentir tous les regards tournés vers moi, chose que je détestai immédiatement. Les membres du club me regardaient en chuchotant entre eux dans leur langue natale. Je regrettai de ne pas avoir laissé mes cheveux détachés, mais voulant suivre le conseil de Maître Sora javais décidé de laissé mon visage découvert. Se rendant compte quils me fixaient des yeux, Masahiko les regarda sévèrement et leur dit, avec froideur:

-Quoi? Vous navez jamais vu de Canadien avant? Arrêtez de le dévisager comme ça, vous êtes ridicules!

Plusieurs étudiants se détournèrent de nous promptement, mais quelques uns attardèrent leurs regard sur moi. Je mefforçai de leur sourire, mais javais davantage envie de leur foutre des claques que dêtre amical. Akané posa une main sur mon épaule et elle dit dun ton incitant à lindulgence:

-Ils ne sont pas méchants, mais un peu stupides parfois. Ils sont curieux de savoir ce qui sest passé pour que tu sois balafré comme ça. Cest ce quils se disent entre eux. La fille là-bas trouve ça dommage, parce quelle te trouve plutôt mignon.

Jeus un sursaut détonnement et du regard, Akané désigna une jeune fille aux cheveux longs et noirs qui me regardait en me souriant timidement. Je la saluai en souriant, tâchant de calmer mon exaspération, et je regardai autour de moi, cherchant un endroit ou je pourrais me faire le plus discret possible. Nous neûmes pas à attendre longtemps avant de voir Lee et Ejima faire leur entrée dans la pièce, accompagnés dun grand type maigrichon qui transportait une caméra à lépaule. Lee, qui portait sa stupide casquette et ses lunettes fumées rondes, avait lair étrangement soucieux lorsquil sassit à son bureau, tout à lavant de la classe. Étant lun de leur plus vieux membre, Masahiko alla sasseoir à ses côtés, de même que Ejima et le type à la caméra, alors que les autres étudiants sasseoyaient à leurs pupitres. Je décidai daller au fond de la pièce et, en silence, je mappuyai contre le mur, tout près de la fenêtre.

Tout en étallant ses notes devant lui, Lee salua tout le monde et, ô cauchemar, il ajouta:

-Vous avez certainement remarqué que nous avions un invité spécial parmis nous. Pour son bénéfice, afin quil nous comprenne, cette rencontre se déroulera en anglais, puisquil ne comprend pas un mot de notre langue. Il sappelle Patrick Decker et il vient du Canada. Souhaitons-lui tous un chaleureux WELCOME.

-Welcome, chantonna la classe sans grand enthousiasme.

Je les saluai en mincliant, appuyé sur ma canne, afin déviter une perte déquilibre quil maurait fait embrasser involontairement le parquet, puis Lee sadressa à ses ouialles. En fait, la réunion ce jour-là navait quun seul point à lordre du jour: lannonce que le prochain film produit par léquipe sénior du club ciné serait le dernier puisque quils étaient en dernière année dUniversité. Il y eut quelques larmes de la part des membres les plus jeunes, mais Lee ne leur prêta aucune attention. Il raconta ensuite les grandes lignes de lhistoire qui se résumait ainsi: ce devait être lhistoire dune jeune fille (Masami) ayant quitté le millieu des Yakuza, dans lequel elle avait été élevée, qui se faisait poursuivre par un Yakuza sans pitié qui cherchait à la ramener dans sa méchante famille. Le petit ami de la fille (Ejima, sans doute) allait tout mettre en oeuvre pour la sauver afin déviter quelle ne retourne dans sa famille Yakuza... Pendant que Lee parlait, les membres du club notaient scrupuleusement tout ce quil disait.

Durant tout ce temps, Ejima ne cessait de me jeter des coups doeils inquiet. Je fus étonné de constater que son regard était rempli de crainte, comme sil redoutait que je pète un cable et assassine tout le monde dans la salle. Après une heure qui me sembla interminable, Lee madressa finalement la parole:

-Patrick, aurais-tu la générosité de venir ici pour te présenter à nous, afin que nous sachions à qui nous aurons affaire?

-Je ne pense pas quil aie envie de venir faire un discours devant les membres du club, Sempai, répliqua Masahiko, mal à laise. Dautant plus que je ne me souviens pas quil aie encore accepté de participer au film...

Tous les membres du club ciné se tournèrent vers moi dun même mouvement et me regardèrent avec insistance. Jhaussai les épaules dun air résigné et je mavançai vers lavant de la classe. Me tournant vers eux, je me râclai la gorge et, mefforçant de mexprimer dans le meilleur anglais possible, je dis, mappuyant sur la table ou Lee, Ejima, Masahiko et le type à la caméra étaient assis:

-Bonjour à tous. Je suis heureux dêtre venu dans votre beau pays. Je loge présentement chez Masahiko Yanagiba dont la famille a eu la bonté de maccueillir sous son toit. Je veux préciser que je suis ici en stage pour un an, non pas en cinématographie, mais pour devenir mangaka. Jai une semaine libre afin de madapter à mon nouvel environnement pour ensuite mimmerger de façon intense dans mon stage. Je doute fort que jaurai le temps de faire partie de votre équipe.

Il y eut un léger murmure de déception dans la pièce et je continuai:

-Jespère que jaurai loccasion de vous revoir au cours de mon année de stage, vous avez lair tous très sympatiques et accueillants. Bonne journée à tous.

Il y eut un bref applaudissement et Lee donna congé à son équipe. Lorsquil ne resta plus que Masahiko, Ejima, Lee et moi-même, ce dernier dit:

-Tu peux tasseoir, les chaises ne mordent pas ici.

Je nobtempèrai pas. Appuyé sur ma canne, je me contentai de le fixer du regard, conscient que Ejima murmurait quelque chose à loreille de Masahiko. A peine eut-il terminé que je lui dis, les yeux toujours fixés sur Lee:

-Si tu as quelque chose à dire à mon sujet, Ejima, tu pourrais au moins avoir la politesse de parler assez fort pour que tout le monde tentende.

Ejima rougit quasi-instantanément. Gêné, il bredouilla:

-Je... Je demandais juste à Giba comment tu tétais fais ça...

Il pointa son visage en dessinant les traits de mes cicatrices sur sa peau. Jeus soudain une idée et tout se mit en place à la vitesse de léclair. Je me forçai à sourire et je dis:

-Eh bien, Masahiko pourrait te raconter toute mon histoire, ça me gêne pas. Il pourrait même te la raconter dehors, et nous laisser seuls, Lee et moi. Jai besoin de lui parler seul à seul.

-Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répliqua Masahiko dun ton hésitant.

-Jinsiste, répondis-je, en étirant mon sourire.

Masahiko nétait pas idiot: il devinait que derrière mon sourire artificiel, je bouillais de colère et de ressentiment envers Lee. Masahiko acquiessa quand même et il entraîna Ejima hors de la pièce en me jetant un regard méfiant. Lee, qui me tournait le dos, rassemblait les notes quil avait dispercées sur la surface de la table pendant la réunion et, quand la porte fut refermée, il se tourna vers moi et il me demanda:

-Alors, pourquoi tu voulais me voir seul à seul?

-Une ou deux choses à discuter avec toi, quelques petits points à mettre au clair, répondis-je calmement.

-Tu as toute mon attention, répondit Lee en croisant ses mains sur son énorme ventre.

Je mapprochai de lui, affichant un air calme et neutre, mais à lintérieur de moi, la colère grondait. Je serrai la main sur le pommeau de ma canne et je pris une grande inspiration avant de dire:

-Daprès ce que ma dit Masahiko, tu trouves que jai une tête de Yakuza?

-Ton aspect physique et ta voix profonde apporteraient un réalisme saisissant au personnage que tu vas incarner dans mon film, répondit Lee comme si josais mettre sa parole en doute.

-Tu as lair assuré de ma participation...

-Je ne vois pas pourquoi tu ny participerais pas. Tu es tout désigné pour ce rôle.

Je pris quelques secondes pour bien respirer, mais toute la colère que javais réussi à contenir en moi durant la réunion menaçait de faire irruption à tout moment. Aussi pour mappaiser un peu les esprits, je dis tout en mefforçant de rire:

-Si tu trouves que jai laspect physique dun Yakuza, je pourrais me pratiquer un peu afin den avoir également lattitude et les agissements...

-Biensur, ça rendra ta performance encore plus réaliste!, répondit Lee en me donnant une tape sur lépaule, très enthousiasmé.

A la seconde ou il me toucha, je ne pus me contenir. Laissant tomber ma canne par terre, je le saisis par le col de son chandail et je lallongeai de force sur un pupitre avec plus de brusquerie que je ne laurais voulu. Appuyant lun de mes avant-bras sur sa gorge, je posai ma main libre sur sa bouche et je murmurai dune voix étrangement menaçante:

-Tu vois, je commence ma pratique sur toi, Lee! Jai quelques mises au point à faire avec toi et nous allons les passer en revues. Tu vas te contenter de fermer ta grande gueule et tu me laisseras parler, cest clair?

Il hocha la tête péniblement, me regardant avec de grands yeux horrifiés, laissant échapper un couinnement étouffé parfaitement ridicule. Je lui enlevai sa stupide casquette, libérant sa bouche, et je la jetai par terre. Pointant un index menaçant sur son nez, je poursuivis:

-Primo, tu moublies pour ton satané film! Jai pas envie de faire le mariole devant une caméra pour un étudiant qui se prend pour un grand producteur de film... Tu piges?

-Ou...oui.... Jai c... compris...

-Secundo, la cassette que tu as fait de Masahiko alors quil prenait sa douche, tu las toujours?

-Oui, mais...

-Ten as fait des copies?

-Non...

-Tu dis la vérité ou tu me mens?, fis-je dune voix plus dure.

-Je jure devant Bouddha que je te dis la vérité!

-Alors tu vas la lui donner! Ton petit chantage à la con cest terminé. Tas compris?

-A...A la premiPre heure demain je la lui donnerai... Mais sans cette cassette, il ny aura plus aucun moyen de le convaincre de jouer Masami...

-Ce sera à lui de décider!, grognai-je. Une dernière chose: jai appris que tu avais tenté de tourner une scène de nu avec Shion Wakanaé?

-Cétait pour le film... On aurait fait ça dans le respect, je te jure!

-Est-ce que tu réalises, espèce de gros lard, que cette fille est encore mineure? Que toi, un universitaire, tu cherches à faire du nu avec une lycéenne, peut être considèré comme de la porno juvénile?? Ça na jamais traversé son esprit, ou alors tu cherchais seulement un fantasme pour satisfaire tes nuits en solitaire?

-Ce nétait pas une scène de sexe, protesta Lee dun air scandalisé, juste du nu... il ny avait aucun mal la de

Je perdis contenance et sans réfléchir, je lui donnai une bonne paire de gifles dune main tremblante avant dajouter:

-Tu comprends pas que le simple fait davoir une photo dadolescente nue dans ton ordinateur peut tenvoyer illico en taule? Pauvre crétin!

Lee me regarda avec des yeux tellements ronds que jai cru un instant quils allaient tomber de leurs orbites. Avec lexpression qui se peignait sur son gros visage rondouillard, je constatait que finalement il commençait à comprendre les conscéquences quil aurait pu encourir sil était parvenu à ses fins. Il leva deux mains tremblantes à la hauteur de son visage et il bredouilla dune vois tremblotante:

-Daccord, jai compris... Je ne vais pas recommencer, je tassure... tu veux bien me lâcher, maintenant?

-Une dernière chose, Lee. Demain, toute la famille Wakanaé sera à la maison. Tu vas y aller et tu vas demander pardon à Shion devant tout le monde pour avoir tenté de la filmer en costume dEve.

-Devant toute sa famille?!?! Mais son père va vouloir me crucifier!!

-Si tu ne le fais pas, Lee, dis-je dune vois drôlement détendue, Je me chargerai moi-même du travail! Tu as besoin que je te fasse un dessin? C'est tout désigné pour parfaire mon entraînement de Yakuza, tu ne penses pas?

Il hocha nerveusement la tête et je le lâchai enfin. Je me penchai pour ramasser ma canne et, me relevant, je vis Lee qui, blanc comme un drap, sasseyait à un pupitre, les mains tremblantes. Après avoir pris quelque grandes respirations, il leva les yeux vers moi et il dit:

-Jai beaucoup de défauts, mais je tiens mes promesses. Demain à la première heure, je remettrai la cassette à Giba et je présenterai mes excuses à Shion devant toute sa famille.

-Parfait. Maintenant tu me permettras de prendre congé, jai des plans pour ce soir, alors je te laisse réfléchir à notre petite conversation. Bonne journée Lee.

-Merci de ta visite, dit-il en inclinant la tête. Et merci de mavoir fait comprendre que javais mal agi avec Shion-san et Giba. Sois assuré que ça ne se reproduira plus.

Je fis mine de me diriger vers la porte, mais décidai plutôt de revenir sur mes pas et je lui tendis la main. Tout dabord il hésita, craignant sans doute que jallais lui foutre une autre paire de baffes, mais réalisant que ce nétait pas mon intention, il la serra vigoureusement en disant:

-Cest dommage que tu ne veuilles pas faire partie du casting, tu aurais été très convaincant dans le rôle de ce Yakusa... Tes certain que tu ne veux pas reconsidèrer mon offre?

Je ne pus mempêcher desquisser un petit sourire en constatant quil était vraiment têtu comme une mûle...